Il est nu, debout face à
la fenêtre qui diffuse la lumière d’un réverbère. Il baisse
le store, qui remonte. Le store lui résiste. Il parvient à
le maintenir baissé. Il la rejoint enfin. Le store remonte
encore. Dans sa précipitation maladroite, il décroche le store
qui lui tombe dans les bras. Elle n’a pas cessé de le regarder.
D’ailleurs, il ne lui offre que son dos. Quand il se retourne,
il est caché par le rideau récalcitrant qu’il enroule ; le
store remonte, découvre les genoux, puis les cuisses ; elle
n’ose plus le regarder. Monté sur une table, il accroche le
store, le baisse délicatement, et la rejoint dans l’obscurité.
Il la cherche, et trouve le lit vide. « Où es-tu ? ».
Il rallume. Elle est recroquevillée dans un coin, mais n’échappe
plus à la lumière.
Il s’approche, la couvre
de son corps et de son ombre. « Je ne te crois pas »
souffle-t-elle. Ils n’ont pas éteint. Ils sont enlacés. Elle
lui caresse fébrilement les cheveux : « Je te crois,
je n’ai jamais cru personne autant que toi » murmure-t-elle,
la voix au bord des larmes.
Forman raconte cette nuit
des Amours d’une blonde avec la tendresse et la pudeur
de ses personnages. Pas de voyeurs à la fenêtre, mais l’idée
constante qu’ils ne sont pas loin, fussent-ils des spectateurs
devant l’écran, ou des censeurs aux aguets (2). Ce
dos féminin - magnifique de sensualité et de timidité -, cette
chemise, cette lumière qu’on éteint, ce store domestiqué -
moment érotique et burlesque -, cette ombre d’un corps sur
un autre, les cadrages en plans serrés qui masquent plus qu’ils
ne montrent, protègent avant tout l’intimité du couple. Ils
sont la manifestation d’un regard juste, un regard qui sollicite
le spectateur tout en le maintenant à distance.
Quitte à nous porter au
plafond de la chambre. Le dernier plan de la scène est une
plongée presque verticale sur les amants. Elle cache sa poitrine
avec son bras. De l’autre main, elle caresse les cheveux d’une
tête posée sur son pubis. Nous les trouvons apaisés, en grande
conversation sur la peinture de Picasso, où les connaissances
naïves de l’un rencontrent l’ignorance totale de l’autre.
Ils sont loin de nous, comme ils sont loin de leur univers
quotidien et fade.
1996 : Elle
veut installer leur relation dans la durée. Lui n’est sûr
que de cet instant. Elle se fait une raison, mais déçue. Il
la calme puis la demande en mariage. Elle n’apprécie pas la
plaisanterie. Il insiste. Elle veut y croire. Il avoue qu’il
blaguait, mais ne peut soutenir l’imposture : « I’m serious ».
Ils s’embrassent.
|