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DEEP THROAT
de Jerry Gérard
Par Nadia MEFLAH



LES CLOCHES, LA FUSEE ET LE FEU D’ARTIFICE

Deep Throat de Jerry Gérard, Gorge Profonde en français, est un film porno fantastique, deux genres du cinéma rarement confondus. L’histoire est celle d’une femme qui n’atteint pas l’orgasme, et ce, malgré les efforts d’une amie bien intentionnée ; elle lui organise des rencontres sexuelles ainsi qu’une grande opération de “ partouze ”, chaque homme ayant un numéro et une position à assurer. Et aucun n’assure, justement. Elle décide, sur les conseils de son amie, d’aller consulter le docteur Young, ce qui nous donne une séquence drolatique, avec un docteur Tournesol tout occupé à souffler des bulles de savon. Ce psychologue s’avère être pour l’occasion un gynécologue armé d’une lunette de physicien pour voir de plus près l’objet du délit, à savoir le sexe de la femme. Il n’y a pas de clitoris, le mystère est partiellement résolu quant à l’absence du plaisir. Entièrement lorsque, sous les larmes de honte, elle explique éprouver un immense frisson de plaisir au moment de déglutir. La gorge est le siège du plaisir de Linda, son clitoris doit être encore plus excité lors du rapport sexuel buccal : la fellation devient ainsi pour la femme l’unique posture sexuelle à savourer sans contrainte. Linda Lovelace, l’héroïne, est cette gorge profonde qui, sous l’emprise de la jouissance, entend les cloches sonner, s’ébranle et explose comme une fusée spatiale et voit le feu d’artifice. La suite du récit montre tous les moments de plaisirs qu’elle procure et ressent avec cet organe inouï. Allant jusqu’à servir de nurse pour les névrosés du docteur Young, sa gorge au service du Bien et de la santé morale. Jouissance de l’image pornographique à la fois totale et envahissante.

Le porno comme le cinéma fantastique table sur la dimension extraordinaire de l’image : voir ce qui est impossible à voir en temps ordinaire, l’un comme l’autre jouant sur l’exhibition, de manière plus ou moins outrancière. Ici, le film est pris entre deux figures ; celle de la jouissance de l’image pornographique des actes sexuels non simulés et l’image de ce clitoris que l’on ne verra jamais, une économie du visuel pour faire un effet spécial, par absence. L’effet spécial existe en creux, il acquière une vraisemblance pour le spectateur par les paroles et comportements des personnages qui agissent en fonction de cette monstruosité de la nature.  Autant l’image pornographique est du domaine du remplissage, l’image doit être opératoire et efficace pour un effet optimal sur le spectateur, autant l’effet spécial du fantastique ici est de l’ordre du doute et donc il convoque plus particulièrement la croyance du spectateur dans ce que l’on ne lui montre pas, mais seulement  par ce que suggère des attitudes et des paroles.