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La pression publique très importante qui pèse ses épaules pour résoudre la crise qui sévit (illustrée par cette réplique de Jim, par l’aplomb impressionnant du jeune journaliste lors de la conférence de presse, le charisme de Branson, leader des chômeurs) contraste énormément avec la personnalité quasi enfantine du président. Le cinéaste montre un peu plus loin, par une scène très inventive, le décalage entre les préoccupations ludiques et familiales de Hammond (rampant sur un tapis à la recherche d’un objet perdu) et la gravité de la situation énoncée à la radio par Branson, le leader des chômeurs.

  Objectif Cinéma (c) D.R.

La lucidité apparente de Hammond (qui déclare en aparté qu’il est « désolé d’avoir été élu pour ne pas pouvoir tenir ses promesses ») n’empêche pas son inconscience ou son cynisme (?). Son attitude  lors de la conférence de presse, est sujet à interprétation. Est-il véritablement insouciant ou indifférent (donc cynique) pour ne répondre que par des idées générales, des esquives, tout en se référant au passé pour faire des effets d’annonce péremptoires (« nous vaincrons la crise car nous avons gagné la guerre »). La particularité de cette séquence mérite qu’on s’y attarde quelques instants. Par sa construction en d’implacables champs/contre-champs serrés, elle a presque l’apparence d’un procès direct entre un accusé (qui joue aussi le rôle d’avocat), et un accusateur (un jeune journaliste) qui égrène les maux du pays. Plus que l’accident de la route et l’intervention divine qui vont suivre (qui me paraissent bien artificiels), c’est bien cette conviction affichée par le jeune homme qui va rendre Hammond adulte et responsable. Les mesures radicales annoncées un peu plus loin répondent ainsi point par point aux interrogations inquiètes du journaliste.

L’accident de voiture (fruit de son irresponsabilité juvénile) n’est pour moi que l’expression apparente du profond changement intérieur qui l’étreint.

Pendola Malloy, sa secrétaire et ancienne maîtresse ressent naturellement ce changement sur un plan personnel et physique (« ses yeux sont étranges et sa voix différente », la suppression des petits noms : « Miss Malloy » remplaçant l’affectueux « Pendie »). Sur un plan professionnel, Hammond convoque son cabinet et exige des informations sur Branson. Il efface progressivement l’image du Président entouré d’une flopée de conseillers, incapable de prendre seul une décision. Il refuse aux membres de son cabinet l’envoi de l’armée pour contrer les manifestants chômeurs et donne seul les ordres. Il se responsabilise, acquiert une éloquence étonnante (enchaînant discours sur discours) et prend le risque de passer pour un dictateur en suspendant les activités du Congrès. Il se donne en fait les moyens de réaliser son programme démocrate, redonnant travail et espoir aux chômeurs en utilisant l’emploi de la force politique, en moralisant la vie sociale (arrestation et jugement du gangster Diamond qui vit grassement de cette époque de prohibition de l’alcool). Le tout à coup d’arguments démagogiques et patriotiques (vous ne devez plus mourir de faim, l’Amérique doit s’en sortir comme elle l’a fait par le passé - appel aux mannes de Lincoln : « Je crois en la démocratie selon Lincoln : le bien du plus grand nombre »...). Pour atteindre son but, Hammond est obligé d’utiliser les moyens que sa conscience et ses idéaux démocratiques repoussent. Mais en est-il conscient ? Si au début du film, le président fraîchement élu est globalement inconscient, le président accidenté-ressuscité, s’il est conscient des mesures à prendre pour lutter contre le chômage et le gangstérisme, n’est pas forcément en mesure de considérer la portée de ces mesures et leur caractère anti-démocratique. L’intransigeance qui le caractérise ne paraît en fait pas beaucoup moins puérile que son attitude avant l’accident.