Gabriel
over the white house est donc un film ambigu, qu’on peut
prendre ou non au sérieux. On peut considérer le film comme
un gros canular (il est sorti un premier avril). On peut aussi
s’y intéresser de plus près. Au festival de La Rochelle, Christian
Viviani rappelait le conservatisme politique de La Cava (point
commun avec Capra), qui ne transparaît pas autant dans ses
autres films.
Une lecture cynique du film
est possible : Hammond, élu par le peuple américain sur ses
promesses, ne peut les tenir une fois à la Maison-Blanche,
par fatalisme, par manque de moyens ou de volonté...
La Cava et ses scénaristes
pointent alors la nécessaire exagération à laquelle doivent
s’employer les politiciens pour se faire élire : ils doivent
faire avant tout rêver les foules, quitte à leur faire payer
l’addition une fois élu...
L’intervention divine imaginée
par les scénaristes dans une deuxième partie provoque alors
le changement de comportement de Hammond, qui se décide à
appliquer à la lettre son programme utopique. On voit à quel
prix, on en voit les conséquences. Que se passerait-il si
un homme politique tenait véritablement ses promesses ? Cette
deuxième partie, qui tente de répondre à la question, présente
des solutions partielles et dangereuses (Hammond trouve du
travail aux Américains en employant des moyens anti-démocratiques).
« Il est si honnête qu’il en paraît fou »,
dira alors son secrétaire Beekman. Cette phrase résume parfaitement
la distorsion schizophrénique de l’homme politique, apparemment
incapable d’annoncer des mesures positives, en accord avec
tous ses partenaires politiques (les membres de son parti,
le Congrès), tout en conservant son intégrité morale. Gabriel
over the white house serait le film du désenchantement
de la politique. Qu’un président tienne ou non ses promesses,
le résultat est pratiquement le même semble affirmer La Cava.
L’équilibre recherché entre une politique audacieuse et les
moyens de la faire appliquer sans faire de vagues, paraît
impossible.
Le changement d’un homme
Dans la première partie du film, Hammond, fraîchement élu,
fait tout pour se démarquer de son aura présidentielle. « Asseyez-vous,
je ne suis que président ! ». Cette réplique adressée
aux membres de son cabinet qui se lèvent poliment à son entrée,
caractérise assez bien le personnage. Hammond sait qu’il ne
doit pas sa victoire qu’à lui-même; il est soucieux de démystifier
l’importance de sa fonction. « Il m’a fait président
! » s’écrie-t-il en désignant l’un des conseillers
qui l’entourent lors de la réception qui suit la solennelle
cérémonie d’investiture. Tout en aimant se rappeler constamment
qu’il est président (comme s’il n’y croyait pas lui-même),
Hammond souligne aussi qu’il n’est qu’un représentant de son
parti (rejetant ainsi la plupart des responsabilités). Bref,
un homme ordinaire.
Objectivement, Hammond ne
correspond pas à la figure type d’un président des Etats-Unis,
encore moins à celle d’un adulte responsable. Ses émerveillements
devant l’immensité de la Maison Blanche, ses plaintes (je
ne veux plus serrer de mains ! ), sa décontraction, ses
étonnements ridicules (Où est le Siam ? ; ils portent
le short en Grèce ?) sont très enfantins. Hammond est
célibataire. Seuls son neveu Jim (qui rêve d’être gangster)
et son ancienne maîtresse Pendola Malloy qui intègre l’équipe
de la Présidence, ont droit de cité à ses côtés (les deux
personnes que j’accepte de voir sans rendez-vous). La
Cava dépeint en quelques traits la vie d’un personnage ni
adapté à sa fonction, ni concerné par le rôle capital qu’il
a à jouer dans un contexte difficile : « J’aime mon
oncle Jud car il va vaincre la dépression » rappelle
avec raison le jeune neveu.
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