Gabriel over the white
house ne répond pas non plus à des schémas narratifs
classiques. C’est un film étrange et biscornu, sorti en 1933,
produit par la MGM.
La première partie du film
présente un homme, Judson C.Hammond, élu à la Présidence des
Etats-Unis dans les années 30, confronté aussitôt aux problèmes
économiques d’un pays en crise (chômage, prohibition), un
homme dont les capacités (et les mesures très floues qu’il
proposent) sont alors très vite mises en question par la presse.
Au moment même où le contraste entre la confiance affichée
du Président et le désespoir croissant de la population (représenté
par le coup de gueule d’un journaliste) est le plus fort,
un événement imprévisible arrive : victime d’un accident de
la route, le Président tombe dans le coma. Après plusieurs
jours d’incertitude, il s’en sort mystérieusement mais complètement
transformé, plus combatif, désireux de vaincre le chômage
et la misère. Un ange (l’ange Gabriel donnant son nom au titre)
se serait incarné dans le corps du Président. C’est l’idée
défendue par Pendola Malloy, ex-maîtresse du président devenue
sa secrétaire. Après quinze jours de réflexion, Hammond commence
à prendre ses premières décisions. Il refuse d’envoyer l’armée
contre les chômeurs manifestants, décide au contraire d’aller
à leur rencontre pour leur annoncer une mesure importante
: faire d’eux une armée de bâtisseurs, dans laquelle chacun
pourra exercer son propre métier. Des fonds spéciaux vont
être débloqués pour les payer (à salaire égal) en attendant
la reprise économique. Opposés à ce projet, les membres de
son cabinet saisissent le Congrès et demandent sa démission.
Hammond les ignore, dissout la Chambre, demande les Pleins
Pouvoirs et déclare effective la loi martiale.
Dans sa volonté de rétablir l’ordre, il élimine le gangster
- trafiquant Diamond, fusillé après avoir été arrêté et jugé
en Cour martiale. Enfin, il convoque les pays européens pour
exiger le remboursement de leurs dettes, avant de proposer
aux « nations du monde » de construire une paix
universelle en supprimant leurs armements respectifs. Après
la signature de ce traité dit de Washington », le Président
s’écroule, mort.
De la première à la dernière
image, La Cava montre l’itinéraire personnel et public d’un
homme, qui passe d’une absence de réelles convictions politiques
(un comble pour le Président de la première puissance mondiale)
à une énergie insoupçonnée qui l’amène à prendre une multitude
de décisions plus ambiguës les unes que les autres. Si ses
intentions sont louables (donner du travail à tous, contrer
le gangstérisme), son action radicale fait pratiquement de
lui un dictateur. En voulant maintenir les valeurs de la démocratie,
en voulant préserver une moralité primaire, Hammond s’octroie
tous les pouvoirs et emploie la force : des décisions prises
à un rythme frénétique (les pleins pouvoirs, la loi martiale...)
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Jean-Pierre Coursodon et
Bertrand Tavernier nous apprennent dans leur Dictionnaire
du cinéma américain que Gabriel over the white house
fut produit à l’instigation de William Randolph Hearst, qui
soutenait Roosevelt, (président démocrate élu en 1932) avant
d’ajouter : « il est impossible de déchiffrer un
discours politique cohérent (dans ce film) tant elle manque
de point de vue (...) Le tract pro-rooseveltien peut tout
aussi bien se lire comme une dénonciation swiftienne, une
modeste proposition mettant en garde contre la tentation fasciste.
Il est d’autant plus difficile de déceler les intentions réelles
du film qu’il fut « réorienté politiquement » avant
sa sortie (...) à la demande de Will Hays qui obligea le studio
à dépenser 30000 $ en « retakes » sans altérer pourtant
le « message » initial. »
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