Dans le film, les plans
des reporters de NN s’intercalent constamment. La caméra de
reportage accompagne les journalistes, même dans les moments
plus intimes ou dramatiques (la mort d’un homme). Les différents
plans symbolisent un même oeil, un même point de vue : celui
de News Net, ressenti comme une sorte de Big Brother influent,
annonciateur d’une « vérité » unique. Dante insiste
sur le pouvoir de ce regard unique et les dangers qu’il engendre.
L’image et la télévision dans sa globalité entament le pouvoir
politique. Le Président des Etats-Unis et son staff sont branchés
sans cesse sur News Net, ils prennent leurs décisions à partir
de ce qu’ils voient sur l’écran, la source unique d’images
étant sujette à caution, on voit où peut apparaître le danger.
La télévision conditionne en outre les graves décisions. Un
ultimatum est repoussé d’une demi-journée car il s’achevait
au beau milieu de la diffusion télévisée d’un sitcom
(Tous mes enfants) très regardé ! L’armée perd son
influence, un caméraman est prêt à faire chanter un colonel
parce qu’il dispose d’une cassette le montrant dans un bordel
de Panama...
News Net est conditionné
par son audimat, condamné à toujours aller plus loin, quitte
à ne pas interrompre ses programmes même quand un homme meurt
en direct. Le Président privilégie les effets d’annonce, le
paraître et fait ses déclarations en fonction de ce
qui pourrait lui assurer une réélection dans le futur. « Les
Américains votent pour le mode de cuisson, pas pour la viande. »
déclare au Président son conseiller en communication. Ce personnage
est capital dans la politique américaine comme dans le film
de Joe Dante, où il est incarné par James Coburn. Il est l’intermédiaire
entre le monde des médias et celui de la politique. Son pouvoir
est immense. « Avec l’image, on peut donner l’impression
de faire de grandes choses sans nécessairement les faire réellement. »
affirme-t-il. Il est curieux de constater que les principaux
conseils qu’il donnent au Président - homme plutôt falot,
« avec une gueule tout juste bonne à faire de la pub
pour des yaourts » - ont davantage à voir avec la
parole qu’avec l’image. La référence aux Présidents du passé
par la citation est constante, elle compense le manque de
personnalité du Président actuel.
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J’ai déjà évoqué le
rôle de la parole un peu plus haut, lors d’une scène présentant
un décalage involontaire avec l’image. Les discours brefs
du Président sont truffés de citations historiques apocryphes,
concoctées par les chauffeurs de la Présidence. « Nous
devons tenir et nous pourrons prévaloir si le mince fil de
vérité est de demeurer tous tissés dans l’étoffe fragile de
la civilisation. » Cette phrase incroyable attribuée
à Eisenhower permet paradoxalement au Président d’exister
à l’image. Son discours télévisé, même vain, est aussitôt
repris (le Président a parlé). Les médias reprennent alors
la phrase sans pour autant souligner sa bêtise. Elle n’était
que prétexte à une réaction du Président. Car rien n’est pire
qu’un Président muet dans une crise politique... Mieux vaut
un Président pérorant à tort et à travers, on ne gardera de
lui que l’image de son passage télévisé. De la même façon,
les terroristes choisissent comme lieu de forfait la statue
de la liberté, pas uniquement pour le symbole qu’elle représente,
mais aussi avec l’arrière-pensée de créer une image télévisuelle
forte qui impressionnera affectivement et fera le tour du
monde.
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