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Cette « seconde guerre
civile » sert de prétexte pour montrer avec une terrible
acuité le fonctionnement actuel des médias audiovisuels (symbolisé
par cette chaîne qui n’a d’imaginaire que le nom... et encore
!) et le retentissement de la télévision (et des images) sur
les actes et décisions politiques. Joe Dante poursuit avec
plus de profondeur ses « réflexions » sur le pouvoir
de l’image animée, entreprises dans ses précédents films,
lors de fameuses mises en abîme ludiques (cf. Gremlins
II, Matinee, etc.). « Joe Dante agit comme
celui qui vous renvoie la lumière du soleil dans l’œil avec
un miroir, et s’amuse à briser net la contemplation des images
en montrant qu’il y a, puisque nous sommes au cinéma, manipulation
et fiction. » (*). Une séquence-clé de Civil War,
mettant en scène un quiproquo visuel, montre comment l’image
peut-être trompeuse. Pour l’évoquer, replaçons-là dans son
contexte : Farley, le gouverneur raciste de l’Idaho, par qui
le scandale arrive, est amoureux d’une journaliste latino
de News Net. C’est elle principalement qui l’intéresse dans
cette histoire et c’est après elle qu’il court pendant 90
minutes. « La politique n’est jamais qu’une aventure
sexuelle » aime-t-il à rappeler. Il doit faire une
importante déclaration officielle à la presse, qui doit confirmer
officiellement sa décision de fermer les frontières de l’Idaho.
Pendant ce temps, l’avion transportant les immigrés pakistanais
est sur le point d’atterrir. Le réalisateur du journal de
News Net, avec la volonté de rendre spectaculaire le fait
le plus anodin, associe les deux images sur l’écran : on voit
donc l’arrivée des enfants pakistanais, filmés en gros plan,
alors qu’apparaît en incrustation l’image de Farley discourant
sur sa volonté de ne plus accueillir d’immigrés dans son Etat.
Cette association d’images n’a plus rien d’extraordinaire
aujourd’hui : elle est devenue banale dans les chaînes d’information
soucieuse de dramatiser l’information. Mais Dante fait intervenir
un dysfonctionnement assez savoureux : le gouverneur aperçoit
dans l’assistance des reporters, Christina, la belle journaliste
de News Net dont il est fou amoureux. Ému par sa présence,
il bafouille, manque de conviction. Le téléspectateur (incarné
dans cette scène par le rédacteur en chef de NN qui regarde
son téléviseur) ne comprend pas alors l’émotion visible du
gouverneur Farley, en totale contradiction avec son discours.
Il peut avoir l’impression que l’émotion est indirectement
provoquée par sa vision des images des enfants pakistanais,
que Farley voit cette image sur un écran de contrôle par exemple.
Seul le contre-champ sur Christina révèle au spectateur du
film de Dante, la véritable raison de cette émotion soudaine.
En une séquence, Dante montre d’abord le pouvoir de l’image
« télévisuelle » sur l’homme et son discours (la
conviction de Farley est ainsi totalement piégée par l’image
qu’il donne alors de lui, on oublie presque le sens de son
discours, et l’autonomie de son image est sacrifiée au profit
d’une association d’images arbitraire très significative)
pour mieux révéler ensuite son inanité, en nous montrant à
nous, spectateurs de son film, la fameuse pièce manquante
du contre-champ qui renverse le schéma établi jusqu’alors.
« Nous nous efforçons
de croire que nous sommes à la recherche de la vérité, de
croire que nous ne traitons que les faits. Et cependant, ceux
qui comme moi font ce métier depuis assez longtemps sont toujours
hantés par le sentiment que les faits à eux seuls ne conduisent
pas toujours à la vérité. » Cette phrase prononcée
par le journaliste Jim Kala (sorte de double de Joe Dante
dans le film) pourrait résumer l’assertion bien connue qu’une
image n’est jamais source unique de vérité.
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