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 En outre, L’hôtel
 de la plage conte l’histoire, entre autres, d’un jeune
 homme déniaisé par l’amie de sa mère :
 seule issue possible dans cette histoire de touche-pipi qui
 ne touche rien, où l’on ne se touche pas, si ce n’est
 du bout des lèvres quand ce n’est pas d’une main au
 cul. Déniaisé est peut-être beaucoup accorder
 à l’affaire tant il n’est pas du tout sûr qu’il
 en sorte moins niais : il s’agit tout bonnement d’un
 dépucelage qui a lieu hors-champs, dans un de ces lits
 placards d’un autre siècle, d’une autre dimension et
 tenant enfermé sans doute moult histoires de cul identiques
 – des secrets d’alcôves. Un dépucelage qui ne
 se voit pas : ni du point de vue du spectateur, ni du
 point de vue des premiers concernés. Un dépucelage
 dans le noir complet où nul ne peut voir de son corps,
 ne peut voir de son plaisir. Le jeune homme en sort heureux,
 visiblement. Victorieux. C’est l’amour joyeux (un peu trop) :
 tout le monde (dans la génération des parents,
 en tout cas) baise allègrement avec tout le monde (c’est
 ce qui se dit, en tout cas) à l’hôtel de la plage
 (et ses environs). 
 
    
 Alice, elle, et de son plein
 gré " je ne me donnerai à aucun homme ",
 ne baise et ne baisera avec personne, toute à l’exploration
 de son corps et de celui de l’autre, de son anatomie et de
 celle de l’autre, et de son plaisir avant même celui
 de l’autre ou avec l’autre. Plaisir qu’elle n’atteint pas
 à tous les coups, comme lorsqu’elle s’encule avec la
 bouteille de vinaigrette/huile solaire pour tuer l’ennui.
 Contrairement à L’hôtel de la plage où
 tout rime avec joie et bonheur évidents (l’hôtel,
 la plage, les environs, les autres), pour Alice le plaisir
 n’est pas une partie gagnée d’avance (sera-ce une partie
 gagnée un jour ?), dans cet univers clos aux paysages
 sordides : plaine et plage sont truffées de déchets ;
 jusque la plage de ses souvenirs, surplombée d’un complexe
 industriel. 
 
    
 
 
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 En ce sens, un plan résonne
 d’un film à l’autre : un cul, nu. Là où
 c’est un cul (presque anonyme) qui traverse l’écran
 dans le film de M.Lang en forme de blague de potache, et rien
 d’autre c’est à dire sans autre valeur transgressive,
 c’est, chez Breillat, le cul d’Alice immobile, posé
 là, éclipsant tout le reste bien qu’en second
 plan, et à valeur non plus transgressive à ce
 moment du film mais diégétique, politique (en
 ce sens comique : jeté à la face du monde) :
 on pense au cul (alors censuré) de Polnareff sur les
 affiches en 1972, et davantage encore à Léo
 Ferré " mon style, c’est mon cul ".
 Alice, à la différence du / des personnages
 de L’hôtel de la plage, ne vit pas un été
 de porcelaine (titre de la chanson de M.Shuman, b.o. du film
 de M.Lang) mais plutôt un été de grès
 ou de terre cuite : plus brute, plus rugueux, plus chaud
 et ô combien plus charnel. Et, ne nous le cachons pas,
 plus humide (il n’y a que la mer pour aller et venir entre
 ses reins), voire plus fangeux, comme la boue autour de la
 maison de ses parents dans laquelle elle traîne, patauge,
 petite culotte aux chevilles, avec un plaisir régressif
 non dissimulé. Les deux héros ne se rencontreront
 jamais. Le jeune homme de M.Lang est du village d’Alice :
 de ceux qu’elle aguiche, provoque malignement, mais ne suit
 en aucun cas. 
 
    
 Alice suit (littéralement)
 et séduit un jeune homme de l’extérieur (Pierre
 se faisant appeler Jim), ouvrier saisonnier semble-t-il, qui
 lui est introduit par son père, pour qui il travaille.
 Jim, ah ! le beau Jim qui, sorti tout droit d’un roman-photo
 – alors que Paul, dans Romance, est encore plus glacialement
 beau : il est top model – entre par la grande porte,
 celle des rêves (fantasmes) de petite fille fleur bleue,
 peuplés de princesses… et de prince charmant :
 tout ce qu’Alice s’emploie minutieusement à écarter
 de sa personne… et après quoi elle court, sous l’œil
 de ses parents, aveugles et largués : Alice roule
 tout le monde au pays des père/mère-veille.
 La propriété familiale, le village et la scierie
 (entreprise du père) sont pour la jeune fille les lieux
 de l’impossible proximité voire réconciliation
 de sa tête et de son sexe. Elle le dit tel quel face
 au miroir de sa chambre, chez ses parents. Elle le vit au
 village par ses non-rencontres (le jeune homme à la
 fête ou celui à la moto) et ses déconvenues
 (lorsqu’elle épie Jim embrassant sa promise, lorsqu’elle
 décide de ne pas séduire un jeune homme qu’on
 ne voit jamais, lorsqu’elle se retrouve au manège assise
 à côté d’un exhibitionniste), jusqu’à
 être bannie de cet espace-là. Elle en fait l’expérience
 à la scierie où tout n’est que coups d’œil,
 regards volés et jeux de cache-cache sans mot dit mais
 ô combien éloquents ; où l’on se
 trouve en plein roman-photo.... 
  
  
  
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