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Le plan-séquence de neuf
minutes au cours duquel la police interroge Gino et Giovanna
près de l’endroit où Bragana, le mari de Giovanna, a été tué
dans un accident de voiture est situé exactement au centre
du film. Il constitue une sorte d’axe de symétrie, et d’ailleurs
certains éléments du début et de la fin du film se correspondent.
Ainsi, Gino vient par deux fois rejoindre Giovanna à la trattoria,
ils deviennent rapidement amants dans le premier cas et se
réveillent après une nuit d’amour sur le sable dans le second,
ils quittent la trattoria ensemble à deux reprises, Giovanna
abandonnera la première fois et mourra la seconde. Cela dit,
si les deux ensembles reproduisent les mêmes situations, ils
inversent les rapports à l’espace. Au début du film, les passages
s’effectuent de l’extérieur à l’intérieur, comme si Visconti
souhaitait, en même temps, faire pénétrer le spectateur dans
son histoire. A la fin, il se passe l’inverse, les personnages
vont de l’intérieur vers l’extérieur, comme s’ils voulaient
se sortir de la situation épineuse dans laquelle ils se trouvent.
Les spectateurs, eux, savent qu’ils vont bientôt être exclus
de la fiction. De plus, il y a dans chaque ensemble une ellipse
laissant deviner une scène d’amour et précédant une discussion
entre les deux amants, dans la chambre de Giovanna puis sur
la plage.
Deux autres situations se correspondent
de la même façon. Lorsque Gino rencontre Spagnolo, il se trouve
dans le train, donc à l’intérieur. Par contre, il fait la
connaissance d’Anita dans un jardin public, donc à l’extérieur.
Ces deux épisodes introduisent chacun un personnage nouveau.
Ce sont des personnages secondaires mais ils se veulent néanmoins
le reflet d’un univers social. En effet, contrairement aux
personnages principaux sur lesquels peu d’indications visuelles
sont données, en dehors du fait qu’ils exercent à un moment
où à un autre leur profession, Spagnolo et Anita sont facilement
identifiables. Parce qu’ils se présentent, tout simplement.
Spagnolo indique son nom, sa profession de prestidigitateur,
décrit ses voyages et son genre de vie. Anita raconte sa vie
et en son absence, un homme précise qu’elle est prostituée.
Il faut ajouter deux autres personnages secondaires importants
et présentés de façon similaire. Le policier qui prend l’enquête
en main apparaît d’abord sous un déguisement, mais sera ensuite
trahi par ses interventions. Le curé quant à lui est immédiatement
trahi par son costume, et il sermonne bientôt Gino et Giovanna
sur l’irrégularité de leur couple. En fait, Anita est la seule
que le spectateur ne voit jamais exercer son métier. Peut-être
pour renforcer le fait que bien qu’elle soit prostituée, elle
est plus digne d’éloges que Giovanna.
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La mise en scène et la thématique employées
ici sont le reflet du cinéma de Visconti. Ici, c’est l’Espagnol
qui est un élément très important pour le réalisateur. En
effet, l’appel à la liberté est un des thèmes que Visconti
aime à développer dans ses films. Si Ossessione est
qualifié de film néo-réaliste, Visconti n’appartiendra jamais
profondément à ce courant Par la suite, il réalise La Terre
tremble, documentaire qu’il souhaite « absolument
objectif » sur la vie des pêcheurs. Il s’y exprimera
totalement différemment, ne subissant plus, entre autres,
les influences françaises qui l’avaient inspiré pour Ossessione.
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