La mort de Léon est fatale
elle aussi, inévitable, et elle est suggérée par le fait que
le personnage descend les escaliers (alors que Mathilda qui
est sauvée les monte). Et pour la deuxième fois dans le film,
une lumière blanche envahit l’écran. La première signifiait
que Léon acceptait Mathilda et la vie qu’elle lui apportait,
la seconde implique qu’il a accepté sa mort. Celle-ci est
filmée en caméra subjective : Léon tombe juste devant une
porte ( encore une porte... ), une porte ouverte sur un monde
qui décidément ne veut pas de lui.
La musique est douce, interrompue
par l’explosion de l’immeuble, puis douce à nouveau. Cela
apporte au film comme un soulagement final. Stansfield est
pour sa part fidèle à lui-même, il va jusqu’au bout de sa
folie, et est sans doute à cet effet encore filmé en contre-plongée.
Reste à confronter Tony
et Mathilda, et la boucle sera définitivement bouclée. Enfin
presque... On pourrait se croire revenus au début, c’est
encore une fausse piste. Comme Tony avait fait l’ouverture
du film, il le referme. Sauf qu’ici, il est en face d’une
gamine de douze ans qui lui propose ses services de «nettoyeuse»...
Outre par le fait que les
quatre personnages se retrouvent face à face à un moment donné
du film, l’esprit de l’œuvre se met aussi en place avec les
rapports narrateur/spectateur. Dans Léon, le narrateur
est incarné par la caméra. Elle passe d’un personnage à un
autre, ou plus exactement, les personnages se relaient par
son intermédiaire pour faire avancer le récit. Le spectateur
a alors une vision d’ensemble, il est privilégié. Cette façon
de dévoiler le récit assoit à sa manière la force intérieure
qui vit dans l’œuvre achevée.
Cette force est aussi symbolique,
avec les portes qui jouent le rôle de passage entre la vie
et la mort, et les lumières tour à tour noires et blanches.
En réalité, à aucun moment,
on a le sentiment que Luc Besson se soit laissé dépasser par
son œuvre, ou plus exactement qu’il n’ait pas su mettre en
place les moyens nécessaires aux exigences que lui imposait
l’intention de son film. Ce n’était pas complètement le cas
dans ses travaux précédents, et c’est aussi pour cette raison
que Léon est unique. On sent que Besson a maîtrisé
son œuvre, et on a l’impression qu’il a projeté cette construction
et cette maîtrise dans chaque parcelle de son film, pour que
ressortent finalement, par la convergence des moyens, l’unité
et l'esprit de l’œuvre.
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