En réalité, cinq éléments fusionnent. La musique vibre comme
jamais, rythmant le travelling arrière de la caméra, braquée
sur Mathilda. Un des hommes de Stansfield laisse alors filtrer
la seule information nécessaire à la scène : « Willie Blood,
t’as buté un gamin de quatre ans, c’était utile ça ? «. Le
spectateur le sait déjà, il n’est que plus saisit par la réaction
de Mathilda. Cette dernière continue donc, jusqu’au bout du
couloir, et sonne chez Léon. Et pour finir, un montage alterné
entre Mathilda en pleurs et Léon interloqué, c’est infernal.
Lumière blanche.
La musique baisse d’un ton,
comme soulagée à son tour. Et à nouveau le gouffre, le même
que celui du début. Sauf que cette fois-ci la lumière est
blanche, et pour cause. La vie après la mort.
S’instaurent dès lors un
apprentissage réciproque, une complicité, un amour. Besson
parvient à faire passer sans problème le fait que Léon apprenne
à Mathilda les bases du métier de «nettoyeur». C’est la seule
et unique faculté que le personnage a développé, c’est la
seule connaissance qu’il puisse a priori lui apporter. En
échange, Mathilda lui apprend à lire et à écrire. Elle lui
fait découvrir la vie, le don, le partage.
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Le troisième couple formé
est Mathilda / Stansfield. Ils se sont eux aussi déjà frôlés,
puis croisés. Leur rencontre vient d’être annoncée par les
travellings (avant pour Stansfield, arrière pour Mathilda),
dont le point de vue a toujours été le même : celui du judas
de Léon. Ce dernier personnage sert un peu de lien entre les
deux séquences. Quoi qu’il en soit, l’affrontement de la petite
souris et du grand rat n’en sera que plus fort. Les deux personnages,
au contraire de Léon et Tony, sont beaucoup plus égaux dans
leurs comportements. C’est sans doute la raison pour laquelle
Besson les a présentés de manière similaire. Ils entrent en
fait dans un système manichéen, où, schématiquement, Mathilda
incarne le bien et Stansfield le mal. Mathilda est joyeuse
et débordante de vie. Elle est toute l’innocence et la magie
des enfants. Quant à Stansfield, il est définitivement taré.
La rencontre a lieu dans les toilettes des hommes, dans son
territoire. Et comme pour renforcer un peu plus la malsaine
supériorité de cet être, Besson les filme en contre-plongée.
En fait, ces trois premières
associations de personnages entraînent les trois suivantes
qui, si elles sont alors plus ou moins prévues, n’en font
que davantage converger le récit et le film.
Stansfield et Tony se rencontrent,
donc, presque logiquement. La scène relance le film, noircit
a priori le personnage de Tony, et commence à refermer petit
à petit la boucle de l’unité de l’œuvre, du point de vue du
film lui-même. La conversation des deux personnages tranche
radicalement avec le contexte et l’ambiance de la scène. A
priori, ces deux pôles entre en contradiction. Mais en fait,
le côté anniversaire, avec les ballons, rééquilibre le personnage
de Tony, lui permet de rester sur la tranche. Le personnage
de Stansfield, ce n’est pas une surprise, ne peut que s’élever
dans la folie au milieu de cet univers complètement désaxé.
Et fatalement, Stansfield
se retrouve seul avec Léon, à la fin. Fatalement, étant donnée
la logique du récit, mais aussi parce qu’ils ont chacun leur
tour été les pièces centrales d’un carnage. Mais ils ne procèdent
pas de la même façon, «moralement»parlant : Léon travaille
selon des règles, «ni femmes, ni enfants»par exemple, alors
que Stansfield est dans sa folie, il prend du plaisir à tuer,
sans raisons particulières.
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