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« Le cinéma nous apprend à voir de la pensée dans les
images mais une pensée qui échappe à l’ordre du discours pour s’exprimer sous
forme visuelle », explique Philippe-Alain Michaud dans le texte d’introduction à la programmation
« Images de la pensée » qu’il a mise en œuvre en octobre 2001 à
l’auditorium du Louvre (1). Envisager qu’on puisse penser en images
et non plus seulement par le discours, par le texte, voilà qui ne devrait
guère étonner des générations qui, pour s’informer et pour connaître, se sont
massivement tournées vers le journal télévisé ou l’encyclopédie sur CD-Rom
plutôt que d’avoir recours à un support exclusivement écrit.
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Pourtant, si on demandait à chacun d’exprimer
sa propre pensée en images, et non plus par l’intermédiaire
de paroles, il est extrêmement douteux qu’on obtiendrait des
résultats intelligibles. Il faudrait d’abord isoler une structure
de la pensée-images, puis que chacun se l’approprie afin d’accoucher
de son propre point de vue. Ambition démesurée d’une écriture
visuelle, ou partiellement visuelle, à venir seulement dans
quelques décennies ? Rien n’est moins sûr… Pour préfigurer
ce que serait cette graphie inédite, les programmateurs du
Louvre ont choisi de puiser dans ce qui est, déjà, un art
du passé, le cinéma, en donnant à voir trois types de documents :
des enregistrements d’entretiens et de leçons avec des penseurs
du siècle ; des essais filmés ; des fictions entreprenant
de transformer en récit une pensée.
PREMIERE ETAPE
Images de corps animés d’une pensée
C’est une petite série de moyens-métrages
documentaires, produits en 1965 par le Centre de documentation
pédagogique et consacrés à « L’Enseignement de la philosophie ».
A l’initiative de Dina Dreyfus, inspectrice de l’Académie
de Paris, le jeune professeur Alain Badiou interroge le fleuron
de ce que l’université française recèle en philosophes prometteurs
ou confirmés : Jean Hyppolite, Georges Canguilhem, Raymond
Aron, Michel Foucault, Paul Ricoeur et Michel Serres. « Il
s’agissait de réunir des théoriciens dont la pensée était
en cours d’élaboration, explique Philippe-Alain Michaud,
instigateur de la programmation (1). Leur parole
a été enregistrée au moment où ils étaient en train de produire
leur œuvre. Si on les avait filmés plus tard, au faîte de
leur renommée, ils n’auraient plus été dans l’expression d’une
pensée en train de naître, mais dans la transmission d’un
discours déjà constitué ».
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