SYNOPSIS
: Jean tue. Il rencontre Claire, elle
est vierge. Claire aime Jean. Elle reconnaît à travers les gestes
de Jean, sa maladresse, sa brutalité, elle reconnaît ce qui
obscurément la retient elle aussi hors du monde. Frappée jusqu'alors
du désespoir, du désespoir d'une vie non vécue, cette rencontre
la redonne à la lumière. C'est un conte. L'amour est ce qui
nous sauve, fut-il perdu, d'emblée, perdu. |
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L’EXPERIMENTATION
FRILEUSE
Dans le microcosme de la critique française,
Sombre a fait grand bruit. Adoré par les uns, haït
par d’autres. Formellement par les uns, moralement par les
autres. Choquant mais bien fait. Novateur quoique irrémédiablement
immoral. Et si, pour une fois, nous inversions la proposition :
sans morale et expérimentalement frauduleux ? Prenons
les choses en ordre.
De bout en bout, Sombre est miné
par son refus de convoquer les images traumatiques de l’horreur.
Chez Lynch par exemple, l’œil est toujours soumis à l’expérience
d’un corps meurtri (un fœtus hurlant, une oreille coupée,
une femme ensanglantée, une pointe de verre enchâssée dans
une tête), déployant l’horreur dans sa dimension matérielle,
sensible. Dans Sombre, la froideur est de mise, embarqué
dans une réfrigération toute intellectuelle. De corps, de
chair, de sang, point. De désir non plus, comme si Grandrieux
avait peur de montrer ce qui émeut et fait frémir. La façon
qu’à son héros de tuer ses victimes, par exemple, est symptomatique
de cette attitude : une sorte d’étouffement maniéré, pensé,
trop artificiel pour être vraiment émouvant. Trop propre surtout,
comme si Grandrieux évitait la confrontation à ce qu’il peut
y avoir d’incarnation dans la représentation d’un meurtre
sur un écran de cinéma. Il ressort de tout cela une sorte
d’imagerie hygiéniste somme toute assez creuse.
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Pas de morale dit-il. Certes, on ne l’y
oblige pas. Dans Henry, portrait of a serial killer,
point de morale. Pourtant, John Mac Naughton n’évite pas son
sujet, il le cueille, de manière frontale, au cœur de la folie
froide de son héros. La confrontation des affects moraux du
spectateur avec ce personnage dont les actes sont au-delà
de la simple morale judiciaire est ce qui procure ce sentiment
d’effroi. Le mal serait donc quelque chose d’impénétrable,
qui, fondamentalement, se dérobe à tout jugement. Il faudrait
aussi revoir L’argent de Bresson, pour comprendre que
la figure de l’ellipse, loin de jouer la carte de l’évitement,
renforce l’effroi. Parce que le mouvement de l’ellipse, dans
ce cas, c’est de ne pouvoir donner accès à la compréhension
d’une horreur repoussée dans les limbes. On ne voit pas, on
ne sait pas, on ne comprend pas.
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