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JOURS ETRANGES
A propos de Damien Saez,
de son album et de ses
rapports avec le cinéma
Par Nicolas CHEMIN


VOYAGE ASTRAL AUX PARADIS ARTIFICIELS

Le maître de l'univers

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Au départ était le verbe. Jours étranges, c'est le journal intime d'un adolescent, un voyage entre moi et moi. (...) La portée de mes mots y donne une émotion presque picturale ". L'artiste halluciné conserve un regard lucide et analytique sur sa propre production, vaste champ de ruines qui déchaîne les passions d'un auditoire hypnotisé. "Jours étranges" est un album d'une inouïe qualité, qui plante le décor d'un univers singulièrement personnel. Journal intime, assurément, qui esquisse un réseau thématique à trois têtes, trajectoires abyssales de son être profond. Vue et écoutée au prisme de l'attention, la musique de Damien Saez cristallise trois combustibles distincts qui fournissent l'énergie génitrice de ce vaste édifice. S'entrechoquent, toujours mélancoliques, une intelligente portée sociale, une poésie stupéfiante (au sens d'illicite substance) et une généreuse et paradoxalement pudique mise en jeu de son douloureux être autobiographique. L'artiste bouillonnant est un écorché par la vie, un déçu de l'idéal. En témoigne sa vision grisâtre d'un monde désenchanté, réaliste oeillade sur l'époque actuelle. Conception d'un gauchiste si extrême qu'il serait à présent au-delà du clivage, anarcho-libertaire si rebelle qu'il ne croirait pas même en la révolte. Sclérosé par une foi en l'avenir qui moisit et croule sous le poids de l'infamie des hommes, inconsciemment admise par la plupart. "Sauver cette étoile", "Jeune et con" et "J'veux m'en aller" constituent à ce propos une trilogie sociale ("Soleil 2000" s'y joint et crée le social-mystique...)qui donne épisodiquement une belle vigueur, énergie du désespoir, à une production fondamentalement lancinante et dépressive. On y dresse un constat désabusé du monde tel qu'il se porte mal : guerre, misère, soumission des peuples, jeunesse inconsciente, mondialisation, intolérance...  " Et puis y'a ce gamin / qui a le sourire aux lèvres / Mais c'est ça l'avenir... " (Sauver cette étoile).  Court sursaut d'optimisme qui ne résiste que fébrilement à la réalité et ses obscures perspectives : " Y'a plus rien à foutre ici qu'être désespéré " (Soleil 2000). Lucide, Saez pousse l'intelligence de ses textes jusqu'à l'humilité, et ne propose évidemment pas de solution, s'englobant dans cette écervelée jeunesse. Pourtant...