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Objectif Cinéma (c) D.R.

Second champ d'expression de l'inépuisable musicien, la création d'une poésie qui lui est propre, si particulière à l'univers saezien. Jours étranges, Crépuscule, Hallelujah, Soleil 2000, Petit prince sont autant de titres qui relatent, après l'état des lieux, un état d'âme. Celui du flottement mental. Une étrangeté dépressive envahit l'espace musical et restaure, fonction première de la poésie, son rapport entre le moi et le monde. Sa prose opaque, truffée de métaphores, accède au statut spécifique de sensation. L'univers de Saez est hautement sensitif et produit effectivement une émotion picturale, presque virtuelle, cinématographique. L'image suscitée, hallucinatoire, est celle d'un voyage astral au pays de la poésie stupéfiante. Parallèle courant parmi ses obsessions, sa musique est un transport vers les baudelairiens paradis artificiels. Là-haut, tout n'est qu'ordre et beauté / luxe, calme et volupté... Saez y divague abondamment sur les thèmes qui le hantent et déambule dans ses visions fantasmatiques, "chevauchant son vélo volant" : pulsions suicidaires, repos dans la parenthèse droguée,désarroi face au destin, oedipe non-résolu... La planète Saez, parsemée de tombeaux et de croix, recèle un récurrent mysticisme en forte connexion avec la religion. Mais, ni dieu ni maître, Saez n'en retient que l'idée d'ailleurs, d'un au-delà meilleur (ou pas) où une seconde chance l'attend. L'artiste s'approprie ces croyances pour forger sa mythologie personnelle, librement peuplée d'anges, de démons et de princesse disparue. Recréant en somme un paradis perdu, troublé par la macération psychologique qu'il engendre:

" Moi, j'irai tuer mon père
Non, je ne suis pas un ange
S'il faut toucher la lumière
En ces jours étranges
On ira voir au clair de lune,
Voir si le diable veut danser
Si dans nos yeux brûle l'écume
De ses océans enflammés
Et puisqu'ici les dieux me condamnent
Au nom de qui, au nom de quoi
Viens trouver la paix.... "

Jours étranges

Cet espace de liberté débridée, bouffi par les traumas d'une âme en péril, se mue bientôt en échappatoire. C'est dans cet ailleurs-refuge que Saez fuit l'ici-bas. Et c'est l'autobiographie qui est aux sources de cette démission Au rayon des grandes douleurs, le poète maudit recense un père inconnu, un amour-passion perdu, des périples hallucinogènes, un astre qui l'a déçu. " Reste la drogue encore, pour nous enfuir... ". Les substances interdites, les légères volutes de fumée, sont le véhicule de son voyage astral et le passeport entre les deux mondes du sujet Saez. " Un voyage entre moi et moi ", confiait-il. Si l'ici-bas lui est aussi insupportable que son triste constat social l'indique, c'est encore et surtout parce qu'un être chère ne l'habite plus ("Amandine II", "Montée là-haut"). " Depuis que t'es montée là-haut / les anges n'ont jamais été plus beaux / Depuis que t'es montée là-haut / ici moi je me sens toujours de trop ". La blessure originelle est enchâssée, sclérosée par cette réalité astreignante et la musique de Saez se charge d'être catharsis. Le salut dans la création pour un poète torturé. Dans son univers artificiel, cet entre deux mondes, le souvenir perdure. Ni vivante ni morte, l'Amandine idolâtrée accède à la mythification, pôle de neutralité complexe du carré logique de l'existence.