L’OMBRE DU VAMPIRE
Pour tout amateur de littérature fantastique,
une des références suprêmes demeure à tout jamais le Dracula
écrit par Bram Stoker à la fin du XIXe siècle et adapté à
l’écran un nombre incalculable de fois depuis, avec plus ou
moins de liberté par rapport au roman originel. Le mythe du
Vampire a accompagné l’existence du cinéma depuis ses origines,
comme l’a illustré Francis Ford Coppola dans une très belle
séquence de la version qu’il a réalisée en 1992, Bram Stoker’s
Dracula, où le Comte assistait à la naissance du cinématographe
à l’occasion d’une projection foraine d’un petit film en ombres
chinoises inspiré de la légende du Seigneur des Carpates lui-même.
Chaque époque a eu son Dracula, et ces films se sont révélés
à l’image même du monstre sanguinaire : toujours apparemment
identique et pourtant toujours profondément différent, tour
à tour démon romantique ou Don Juan funeste, Ange du Mal puissamment
érotique ou dandy décadent. Les symboles véhiculés par cette
figure incontournable de notre imaginaire foisonnent également :
Dracula, tel un reflet mouvant des tourments de notre société,
a ainsi pu incarner la peste brune, le Sida, l’emprise de
la drogue, les interdits et autres déviances sexuelles, etc.
Chaque adaptation de cette œuvre illustre est comme un miroir
tendu vers nous : si le Comte Dracula ne s’y reflète
pas, les préoccupations de notre temps y transparaissent par
contre nettement, ainsi que les courants esthétiques qui ont
parsemé l’histoire du cinéma, de l’expressionnisme allemand
au style gothique de la Hammer en passant par les approches
diverses qui ont fleuri ces dernières années.
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Malgré ses nombreux rejetons, le
nom de Dracula reste accolé à celui qui, le premier, sortit
la Bête de ses ombres transylvaniennes et de ses brouillards
opaques pour le faire apparaître dans la lumière du projecteur
d’un écran de cinéma : Friedrich Wilhelm Murnau. Murnau
demeure probablement l’un des plus grands réalisateurs allemands
en compagnie de Fritz Lang, et pas uniquement pour ce Nosferatu,
Eine Symphonie des Grauens qu’il a réalisé en 1922 (le
titre peut être traduit littéralement par Nosferatu, une
symphonie de l’horreur, mais il fut distribué en France
sous le titre Nosferatu le Vampire, Nosferatu étant
le nom qu’imagina Murnau lorsque, pour des questions de droits
et de refus des héritiers de Bram Stoker – son épouse en particulier
–, il ne put utiliser le nom Dracula). En effet, parmi la
vingtaine de longs-métrages qu’il a dirigés, on peut particulièrement
distinguer un autre chef-d’œuvre impérissable, Sunrise (L’Aurore),
une tragédie romantique où les passions affleurent et touchent
droit au cœur, autre Symphonie d’une poésie rare qu’il réalisa
aux Etats-Unis en 1927.
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