Lorsqu’il
tourna Nosferatu au début des années 20, Murnau fit
office de pionnier. Même si son œuvre figure parmi les classiques
expressionnistes du Septième Art que le cinéphile se délecte
à disséquer plan par plan pour mieux en savourer toute la
sève, en véritable vampire de la pellicule, il s’est rapidement
distingué du cercle pourtant restreint des maîtres de l’expressionnisme
allemand, composé notamment de Fritz Lang (le prophétique
Metropolis ou la superbe série des Docteur Mabuse),
Georg Wilhelm Pabst (L’Atlantide, ou le méconnu Trois
pages d’un journal) et Robert Wiene (Le Cabinet du
Docteur Caligari, véritable manifeste de ce courant cinématographique,
ou Les mains d’Orlac). En effet, contrairement à ces
chefs-d’œuvre passés légitimement à la postérité, Murnau rompit
avec ce cinéma qui se construisait essentiellement en studio :
si les décors volontairement déréalisés de Caligari
nécessitaient une telle approche afin de traduire un déséquilibre
profond et un manque de repères total, Murnau choisit quant
à lui de tourner la majorité des séquences de son film en
extérieur dans des décors naturels (en particulier en Europe
de l’Est, afin de rechercher des ambiances et des lieux proches
de l’action du roman de Stoker).
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Le tournage de Nosferatu donna lieu
à toute une série de rumeurs à l’époque et, même si les potins
n’étaient pas encore aussi courus qu’actuellement, les allégations
les plus farfelues allaient bon train : on disait ainsi
allègrement que le comédien censé interpréter le Comte Orlock
était mort peu avant le début du film (inutile de préciser
que chacun devait y aller de ses hypothèses sanglantes les
plus folles pour éclaircir ce trépas étrange…), et qu’un autre
interprète énigmatique l’avait remplacé au pied levé, sans
que l’on puisse décider s’il s’agissait de Murnau ou tout
bonnement… d’un Vampire sorti de sa tanière spécialement pour
l’occasion ! Nous pouvons d’ailleurs nous demander si
ce n’est pas Murnau lui-même qui avait finement orchestré
cette rocambolesque mise en scène, auquel cas il n’aurait
rien à envier au tapage médiatique longuement mijoté par toute
une armada de blairwitchers en herbe et consorts qui
sévissent aujourd’hui par Internet interposé.
C’est après avoir découvert le premier film
réalisé par Elias Merhige en 1991, Begotten, que l’inattendu
Nicolas Cage décida de lui confier les rênes de cette entreprise,
étrennant du même coup la société de production Saturn Films,
qu’il avait créée en 1995 avec Jeff Levine. Le postulat qui
a engendré le scénario de Shadow of the Vampire, écrit
par Steven Katz, réside dans l’identité pour le moins nébuleuse
de l’acteur qui avait un temps prêté son enveloppe charnelle
à la personnalité diabolique de Dracula / Orlock :
Max Schreck, dont le nom même cristallise à lui seul tout
le mystère qui a auréolé la création de Nosferatu,
puisque son patronyme signifie effroi en allemand.
Son nom s’est fondu dans le personnage de Dracula et l’on
a totalement oublié ou ignoré l’homme qui avait incarné ce
personnage. Dans Batman Returns, réalisé en 1992, Tim
Burton illustrait à merveille ce paradoxe fascinant en attribuant
au protéiforme Christopher Walken le rôle d’un potentat despotique
et livide, proche par ailleurs du Docteur Mabuse et dénommé…
Max Schreck…
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