Léonard et Thom Yorke, respecti-vement protagoniste
de Memento et pierre angulaire de Radiohead, partagent
tous deux ces traits de caractère C'est en cela que les deux
jeunes gens fringants de nudité trouvent un point de jonction,
une bitte d'ancrage dans les itinéraires bis déboussolés qu'ils
empruntent. L'un, totalement amnésique et muni d'aiguille,
dessinant à même la peau ce qui a bien pu le mener à mettre
à mort un de ses semblables ; l'autre, rat de discothèque
et utilisateur de calmants, tatouant dans sa mémoire les morceaux
qui le conduiront à éclairer les pistes d'atterrissage de
la musique d'après-demain. "Everything in its right place",
plage fœtale de Kid A, quatrième missile Exocet du
combo gravement atteint de Yorke, sied à ravir à l'émancipation
du personnage de Nolan. Formant un binôme dont chacune des
parties se fracassent le crâne contre une roche calcaire de
leur existence. Spéléologues, ils rampent dans la fange embryonnaire
de leur renaissance.
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Là où Leonard reconstitue le puzzle de son
crime en commençant par la fin, Yorke et ses acolytes squattent
les ondes de leur passé, mettant tout à feu et à sang dans
leur chimie furieusement psychopathe. C'est dans les volutes
d'une désappropriation intégrale, d'une folie douce, que l'on
entrevoit enfin le bout du tunnel, dans la mort à soi-même
que l'on se (re)connaît un tantinet. En scrutant chacun des
alvéoles fondateurs d'un être, d'une oeuvre. Pour cela, il
suffit de pousser les meubles, d'accepter un déménagement
interminable. "Everything in its right place" est
une complainte marécageuse, un ironique soliloque émis dans
une cathédrale de désœuvrement à ciel shakespearien ouvert.
Un titre clochard errant, supplique après supplique, dans
un labyrinthe miné risquant en permanence de pommer le fil
d'Ariane ou d'être dévisagé par les multiples expériences
vocales qui en sont le ciment Itou pour Leonard qui tisse
son réseau mnémonique, le jalonnant de bornes captatrices
de détails nécessaires à la bâtisse de son histoire. C'est
aussi dans la volonté farouche qu'il a à se dévoiler charnellement
que le duo se fait captivant. Puisque c'est précisément dans
cette extraversion que Leonard et Yorke vont remonter à leurs
origines. Et faire peau neuve.
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