Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 

Voilà encore une collection de vignettes Panini prêtes à consommer, aussitôt collées et immédiatement oubliées. On se fout royalement des personnages de cette comédie de mœurs cul-de-jatte menottée par son propre dispositif d'inertie. Ça cause, ça bavasse, ça aligne des interrogations caractérisées par leur embonpoint. Et ça rassure le bon peuple heureux d'avoir assisté à tant de déchéances et de frustrations cabossées (et à l'occasion au strip tease de l'agent ciné le plus célèbre de la place parisienne). Le processus d'identification carbure à plein régime. "Monsieur contre Madame" de Claudine Bories, quant à lui, nous fait avancer sur des échardes, un tapis de braises et de tessons rassemblés dans un même corpus de responsabilité, de responsabilisation. Alors que "ça ira mieux demain" caresse les moutons dans le sens de la laine suggérant de rester les bras ballants et, puisque tout est foutu d'avance, de passer ses après-midis ringards à dévaliser le rayon bricolage du BHV, la tragédie intrinsèquement racinienne mise en scène, en images, par le séditieux "Monsieur contre Madame" prend les futurs parents que nous sommes, ou que nous ne serons certainement pas, par le colbac et à témoin des ravages odieux et indignes que la sagesse écaillée de certains adultes auto-proclamés, infantilisés et déchus infligent à leurs gosses, chairs de leur chair, résultats d'une union soi-disant parfaite, et victimes prématurées d'une société cancérigène, cancéreuse.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Boriès tape du poing sur la table, apostrophe la fonction même de l'enfant dans notre écosystème transpercé par des lois que nous avons tous du mal à accepter qu'elles soient publiquement promulguées ou tacites. Cette juxtaposition éloquente de situations pathétiques - gamins de marbre ou chialant en étau entre un père et une mère incapables de converser, de se comprendre - ne nous étrangle pas, sa structure est on ne peut plus rusée et habile car laissant à l'atelier les outils classiques de la compassion, de la culpabilisation.  "Monsieur contre Madame" n'est pas fataliste, ne ploie pas devant la stratégie douteuse du conditionnement. C'est une oeuvre profondément citoyenne d'utilité publique faisant grincer bien des molaires génitrices, qui invective, sans sortir le fouet, le relief de nos convictions, redessine l'Atlas érodé d'un pacte passé avec la norme. "Les parents font toujours des erreurs", a-t-on entendu en novembre dernier lors d'un talk-show tévé lobotom'. Il y a dans cette phrase l'adverbe "toujours", trace syntaxico-génétique radicale de la banalisation de la capitulation, autrement dit une prise de pouvoir d'une gamberge s'adonnant au saut à l'élastique et se fracassant le crâne contre un amas de roches que la force motrice qui l'active n'avait pas voulu voir. `

C'est cette réflexion en berne, endeuillée de son aptitude au discernement, que le travail déictique, et non dénonciateur, de la documentariste examine. Une méditation essuyant les plâtres de nouvelles expérimentations artistiques et politiques. Dans son analyse en creux de l'interaction entre parents playstationnisés sans talent et têtes blondes touchantes de solitude, Bories réclame, en arrière-fond, une réhabilitation de l'intellectualisation. Le titre de l'étude, lampadaire hypocoristique, illumine l'axe puéril circonstanciel de l'affaire : Monsieur contre Madame, relookage malheureux du récréatif "gendarmes et voleurs".  On a envie de hurler, de brailler devant un tel carnage. Un enfant, qui n'a rien demandé, n'est pas un gadget, un scope acheté chez Darty, un forfait de téléphonie mobile, un gadget prêt à fonctionner le 1er janvier 2000. L'ère de la consommation aurait-elle tout réifié, à commencer par l'être humain ? On peut se gratter l'occiput mais ne pas rejeter cette légère réprimande que Bories orchestre en sous-sol, et se laisser volontiers tenter par ce qui configure peut-être un nouvel émolument cinématographique : la prise de conscience d'une déliquescence comme revers de la carte illimitée. ça sévira certainement mieux demain !



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir




Ca ira mieux demain  : www.bacfilms.com/demain