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Eyes Wide Shut (c) D.R. EYES WIDE SHUT
de Stanley Kubrick
Par Héloïse FEAU


SYNOPSIS : William Harford et sa femme Alice mènent la vie banale d'un jeune couple new-yorkais... Aussi, lorsque Alice révèle à son mari ses fantasmes adultères, William, dévoré par cette troublante confession, cède à la jalousie et au jeu de la tentation. Il entame alors un périple nocturne où ses obsessions le mènent en des lieux étranges et mystérieux...

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EN QUÊTE D'IDENTITE

Pour mettre en scène l'une des thématiques de son film - l'identité - Kubrick oblige son héros, Bill, à naviguer entre trois univers : le connu, l'inconnu et le reconnu. Bill voyage " entre " et non pas " dans " ces trois univers, ce qui implique qu'il les découvre et les côtoie sans jamais les atteindre réellement, davantage qu'il ne les connaît, ou croit les connaître, vraiment. Bill est toujours à la frontière de trois espaces qui se correspondent et s'enchevêtrent. Et tout cela, sous les yeux complices de sa femme, Alice, et du spectateur.


LE CONNU

  Eyes Wide Shut (c) D.R.

Il représente, tout d'abord, ce qui est célèbre, renommé. Pour Bill, il s'agit du statut que lui confère sa profession de médecin, qui par ailleurs contribue à son identité et à son caractère. Du point de vue scénaristique, il est très intéressant que Bill soit médecin. Cela implique qu'il ait un rapport au corps particulier et en même temps, cela lui ouvre des portes et lui permet de poursuivre une quête qu'il n'a paradoxalement jamais voulue entamer : celle de lui-même. Celle qui répond à la question : qui est-il vraiment ? En somme, il dispose de tous les moyens pour le savoir et se dépêtrer de la situation dans laquelle il s'est involontairement mis, ou plutôt dans laquelle on l'a volontairement placé. Sauf qu'il ne sen rend pas compte, errant dans un dédale de découvertes et de possibilités les yeux grands fermés.

Le connu est également ce qui est su du plus grand nombre, à l'image du visage et donc de l'identité de Bill lors de la fête au château, au moment où le maître de cérémonie l'oblige à enlever son masque. Perdu au milieu d'inconnus, il est le seul à ôter son masque dans une scène particulièrement humiliante pour lui. Il est dénoncé. Il n'est pas à sa place, tout le monde le sait, à commencer par lui. Mais plutôt que de régler cela discrètement, Kubrick préfère lui renvoyer l'image humiliante d'un acte qu'il a été poussé à choisir.

Eyes Wide Shut (c) D.R.

Ici sont déjà " prétendument " dressés deux pans de la vie de Bill : celui qu'il croit inébranlable et autour duquel gravitent, selon une mécanique bien huilée, ses patients, sa femme, sa fille en un mot sa vie. Et puis, il y a l'inconcevable, cette partie de lui-même qu'il n’avait jamais cru bon ni possible d'explorer et qu'on le condamne à démasquer. " Prétendument ", parce que le connu relève uniquement de la reconstitution du spectateur. C’est lui qui, avec l'aide de Kubrick, construit le " connu " de Bill, qui lui sert alors de point de référence. Car Bill, à la première seconde du film, ne connaît plus rien. Tout ce qu'il a découvert et exploré jusqu'alors, et qui définit son " connu ", vole en éclat. Parce que celle que Bill croit avoir découverte et connaître par cœur, c’est Alice, avec qui il est marié depuis neuf ans et grâce à qui il s'est forgé une identité. Pour elle, peut-être plus que pour tout autre personnage, il est d'abord un homme avant d'être un médecin. Mais il semble avoir occulté ou du moins rejeté une partie de ce que cela implique. Et finalement, la connaissance de sa femme qui lui paraît tellement solide, ne semble reposer que sur un a priori.