LE RECONNU
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Bill navigue ainsi entre
l'inconnu et le reconnu : il ignore qui est la prostituée
qui l'a sauvé, mais la reconnaît grâce
à son corps. Car le reconnu est ce qui est déterminé,
jugé comme déjà connu. Bill reconnaît
également le masque sur son oreiller. Le spectateur
découvre la scène un peu avant Bill, il est
donc en avance pour la première fois sur le personnage.
Comme si Kubrick reprenait les choses en main (mais avait-il
jamais laissé Bill décider ?). Bill reconnaît
alors ses torts, et avoue à Alice ce que son comportement
a eu de répréhensible, tout comme Alice l'avait
fait auparavant, sans quelle ne s'en soit pour autant sentie
coupable. De même, Bill navigue entre le connu et
le reconnu : on admet qu'il est médecin non plus
parce qu'il exerce son métier, mais parce qu'il brandit
sa carte. Cest tout ce qu'il a à faire pour être
reconnu. Enfin, Bill part également à la recherche
de la situation d'un lieu, et tente de retrouver l'endroit
où s'est déroulée la fête du
château.
De ce fait beaucoup d'éléments
se correspondent et se font écho dans le film, comme
c'est le cas pour certains personnages : Bill sauve Mandy
mais est sauvé par la prostituée du château,
Ziegler " encadre " l'aventure de Bill puisqu'il
est présent au moment des deux fêtes et à
la fin, la séropositivité de Domino est révélée
par son amie. Mais il y a pourtant un personnage qui insidieusement
participe à la déroute de Bill, c’est son
ami Nick, le pianiste. A lui seul, ce personnage cristallise
les trois états : le connu, l'inconnu, le reconnu.
Bill l'a connu à la fac, il le reconnaît lors
de la fête chez Ziegler et sur la photo devant le
club où il joue. Et c'est ce personnage qui poussera
Bill vers l'inconnu de la fête du château. Kubrick
avait d'ailleurs posé les jalons dès le début,
les signes étaient là. Cet ami aurait dû
devenir médecin, comme Bill, mais pas un changement
de voie, il a entraîné Bill avec lui, vers
des corps non pas à ausculter mais à désirer.
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Mais il y avait également
des signes trompeurs : alors que tout semble reposer sur
Alice, plus active, c'est en fait de Bill qu'il s’agit,
dans toute la splendeur de sa passivité et de sa
confusion mentale. La passivité de Bill est présente
d'un bout à l'autre du film : il reçoit l'aveu
de sa femme, les avances d'autres femmes, et d'une manière
générale il n'a pas à choisir puisqu'on
le fait pour lui. De même, l'orgie le laisse de marbre
et il n'y participe pas. Et la partie de billard avec Ziegler
à la fin est révélatrice : il ne veut
pas jouer, il regarde.
Ici, c'est Alice qui engendre
et résout la crise, reconnaissant les conséquences
de son aveu sur Bill, puisque entre les deux, c'est lui qui
est censé vivre et expérimenter tout cela.
Mais la base du film repose
sans doute sur le regard du spectateur, habilement sollicité
par Kubrick. Le reconnu est aussi ce qui est admis comme vrai,
réel, légitime, c'est-à-dire ici le couple
Cruise / Kidman, que la déjà très célèbre
scène devant la glace révèle à
lui-même et au spectateur. Et plus qu'un moyen de promotion,
c’est sans doute le cœur du film.
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1998 Eyes Wide Shut avec Tom Cruise,
Nicole Kidman
1987 Full Metal Jacket
avec Matthew Modine
1980 Shining / The
Shining avec Jack Nicholson, Shelley Duvall
1975 Barry Lyndon avec
Ryan O'Neal, Marisa Berenson
1971 Orange mécanique
/ A Clockwork orange avec Malcolm McDowell
1968 2001 : l'odyssée
de l'espace avec Keir Dullea, Gary Lockwood
1963 Docteur Folamour
avec Sterling Hayden
1962 Lolita avec
James Mason, Sue Lyon
1960 Spartacus
de Stanley Kubrick, Anthony Mann
1957 Les Sentiers de
la gloire avec Kirk Douglas, Ralph Meeker
1956 L'Ultime razzia
/ The Killing avec Sterling Hayden, Coleen Gray
1954 Le Baiser du tueur
/ Killer's kiss avec Jamie Smith, Irene Kane
1953 Fear and desire
avec Frank Silvera, Kenneth Harp
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