Les cinéastes japonais étaient encouragés
à produire des films sociaux contemporains qui exploraient
les conditions de la crise quasi constante qui alors s’étalait.
L’incroyable succès étranger du Rashmon (1950) de Kurosawa
marqua un regain d’intérêt pour le film d’époque. Bien que
n’étant pas un film samouraï, Rashomon engendra des
films comme La porte de l’enfer (Teinosuke Kinugasa,
1953)… Et quand en 1954 Kurosawa prouva à ses contemporains
japonais qu’il était possible de traiter les vrais combattants
de façon dramatique, comme il le fit dans Les sept samouraïs
(1954), ce fut la fin de la période sèche.
Cela étant dit, pour comprendre cette réinterprétation,
nous avons besoin de nous rappeler l’importance de la Restauration
Meiji. Il nous faut comprendre Meiji comme une tentative délibérée
de redéfinir le Japon selon des traits occidentaux. Le slogan
qui est devenu le cri de ralliement des forces anti-shogunales,
“Expulsons les barbares, restaurons l’Empereur”, une
fois le shogunat écarté, devint rapidement : “Formons une
société occidentale avant d’être bouffés vivants par la technologie
occidentale”. En conséquence, une nouvelle mythologie
était nécessaire pour remettre le passé dans cette nouvelle
image. L’industrie cinématographique naissante, au tournant
du siècle, était dans une position unique pour entreprendre
un tel œuvre, étant donnée la fascination des Japonais pour
le nouveau médium. Les films japonais trouvèrent une assise
parmi les classes moyennes et élevées... L’effort de la société
nippone pendant l’Occupation a dû être encore plus intense
que lors des changements de Meiji.. Ainsi, cela ne fait aucune
surprise de voir certains genres de films, tels que le Film-samouraï,
renaître dans les années 1950. Les vieilles légendes subsistant
dans le nouveau Japon ont été “reformulées” pour expliquer
la société de l’époque qui se sentait fortement liée au passé
mythique de ces légendes. Le nouveau Japon avait alors besoin
de redéfinir, remythifier son image pour faire correspondre
le passé et le présent. Pour accomplir cela, les films d’époque
furent clairement séparés des films contemporains.
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En fait, la distinction
jidai / gendai est plus nette en théorie qu’en pratique. Mais
le seul fait de cette distinction nous indique que pour les
Japonais l’époque moderne débute avec la chute du shogunat
Tokugawa (1603-1867).
Le jidai-geki, qui définit
à la fois les films historiques et les films kengeki ou chambara,
ou films-sabre, en soi n’est pas un genre. Car, il faut distinguer
les films d’époque entre eux. A priori, il semble clair que
Le héros sacrilège (1955) de Kenji Mizoguchi et Sanjuro
(1962) d’Akira Kurosawa sont deux films de type différent.
Bien que les deux soient des films “d’époque”, leur intensité,
leur histoire, leur style et leur thème ont peu en commun,
si ce n’est l’étendue de leur niveau. Il est donc clair qu’une
séparation doit avoir lieu à l’intérieur du jidai-geki ; des
genres particuliers et distincts doivent exister et doivent
être définissables suivant des frontières logiques et défendables.
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Le genre majeur qui subdivise
à première vue le cinéma d’époque est le Film-samouraï. Le
film-samouraï, en tant que genre, est un peu complexe, quand
on commence à prétendre que ces films qui se concentrent sur
des héros non-samouraï mais dont l’intrigue tourne autour
d’hommes - ou de femmes - qui manient le sabre dans le Japon
féodal, sont aussi des films-samouraï.
“Le héros de tous ces
films était généralement un samouraï, avec ou sans maître,
ou quelquefois une sorte de “roturier chevaleresque” qui est
autorisé à porter le sabre - ou encore il pouvait être un
joueur... L’intrigue tourne généralement autour d’une obligation
reçue, accidentellement généralement, dont il doit se défaire
par des actions dangereuses et déplaisantes, souvent en conflit
avec d’autres devoirs ou obligations. L’intrigue peut aussi
tourner autour d’une vengeance ou de la protection de l’innocent”
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