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eXistenZ (c) D.R. LE CINEMA MALADE
DE DAVID CRONENBERG
Par François-Xavier LACAILLE


La réalité virtuelle connaît un succès retentissant dans les médias depuis quelques années. Mais la fascination qu'exerce le sujet dépasse le simple effet de mode. En effet, elle alimente aussi bien les conversations du "café du commerce" que les recherches scientifico-philosophiques les plus pointues.



  eXistenZ (c) D.R.

L'une des raisons de cet engouement pour une discipline qui reste relativement mal définie pour la plupart, pourrait être la suivante:

Dans les modifications qu'elle opère sur notre appréhension de la réalité, la réalité virtuelle transgresse le tabou de la folie. Partir dans un univers entièrement reconstitué par ses propres fantasmes, revient à assumer une expérience fondamentalement schizophrénique, celle d'un profond remaniement de sa perception de l'univers.


Cette question se retrouve régulièrement au cœur des préoccupations du cinéma contemporain (de David Lynch à Wes Craven). Les films de David Cronenberg, en particulier, sont parsemés de réflexions sur le concept de réalité (et sa relativité). Ainsi, avant d'évoquer son œuvre et notamment son dernier opus eXistenZ, il me semble intéressant d'aborder la conscience du réel sous l'angle de la psychopathologie.

Association de nos récepteurs nerveux et de l'influence du groupe social auquel nous appartenons, la perception du monde peut être sujette à 2 troubles majeurs.

L'illusion est la déformation d'un élément réel. Il s'agit d'une erreur de jugement, d'une interprétation erronée d'un événement le plus souvent anodin

L'hallucination est une perception sans objet, donc une création imaginaire. Elle peut être psycho-sensorielle (voix fictives, apparitions) ou purement psychiques (automatisme mental ou syndrome d'influence lorsque la personne ne se sent plus maîtresse du cours de sa pensée).

eXistenZ (c) D.R.

Ces phénomènes se retrouvent dans différentes pathologies mentales comme les schizophrénies ou les psychoses hallucinatoires chroniques. Elles se rapprochent des sensations que peut ressentir un individu évoluant dans un monde virtuel. La différence majeure est, bien sûr, que ce dernier a choisi de les subir et que contrairement à certaines drogues (mescaline, champignons hallucinogènes), il garde la maîtrise du cours des événements.

Cependant, l'utilisation d'un simulateur crée un important trouble dans la conscience que l'on peut avoir de soi. Trouble passager quoique l'une des grandes craintes qu'exerce le virtuel est justement la perte des repères psychiques et corporels.

Tout d'abord, pénétrer dans un univers virtuel entraîne un choc de "l'éprouvé corporel". L'individu réapprend à ressentir et à utiliser ses organes, il s'agit d'une expérience à la fois biologique et physique puisqu'il doit également adapter sa gestuelle et ses mouvements.

Par ailleurs, c'est l'expérience psychologique de sa propre réalité qu'il met à l'épreuve (ce que les héros d'eXistenZ découvrent à leurs dépend).

En effet, le virtuel offre des sensations similaires à celles liées au phénomène de dépersonnalisation. C'est à dire l'altération des sentiments d'être et d'avoir un corps, d'être une personne ayant une identité, de percevoir un monde cohérent et familier où l'on se réalise. Il est fréquent que les schizophrènes aient le sentiment de n'être plus eux-mêmes dans leur intégrité corporelle.