La réalité virtuelle connaît un succès
retentissant dans les médias depuis quelques années.
Mais la fascination qu'exerce le sujet dépasse le simple
effet de mode. En effet, elle alimente aussi bien les conversations
du "café du commerce" que les recherches scientifico-philosophiques
les plus pointues. |
L'une des raisons de cet engouement pour
une discipline qui reste relativement mal définie pour
la plupart, pourrait être la suivante:
Dans les modifications qu'elle opère sur notre appréhension
de la réalité, la réalité virtuelle
transgresse le tabou de la folie. Partir dans un univers entièrement
reconstitué par ses propres fantasmes, revient à
assumer une expérience fondamentalement schizophrénique,
celle d'un profond remaniement de sa perception de l'univers.
Cette question se retrouve régulièrement au
cœur des préoccupations du cinéma contemporain
(de David Lynch à Wes Craven). Les films de David Cronenberg,
en particulier, sont parsemés de réflexions
sur le concept de réalité (et sa relativité).
Ainsi, avant d'évoquer son œuvre et notamment son dernier
opus eXistenZ, il me semble intéressant d'aborder
la conscience du réel sous l'angle de la psychopathologie.
Association de nos récepteurs nerveux
et de l'influence du groupe social auquel nous appartenons,
la perception du monde peut être sujette à 2
troubles majeurs.
L'illusion est la déformation d'un élément
réel. Il s'agit d'une erreur de jugement, d'une interprétation
erronée d'un événement le plus souvent
anodin
L'hallucination est une perception sans
objet, donc une création imaginaire. Elle peut être
psycho-sensorielle (voix fictives, apparitions) ou purement
psychiques (automatisme mental ou syndrome d'influence lorsque
la personne ne se sent plus maîtresse du cours de sa
pensée).
Ces phénomènes se retrouvent
dans différentes pathologies mentales comme les schizophrénies
ou les psychoses hallucinatoires chroniques. Elles se rapprochent
des sensations que peut ressentir un individu évoluant
dans un monde virtuel. La différence majeure est, bien
sûr, que ce dernier a choisi de les subir et que contrairement
à certaines drogues (mescaline, champignons hallucinogènes),
il garde la maîtrise du cours des événements.
Cependant, l'utilisation d'un simulateur
crée un important trouble dans la conscience que l'on
peut avoir de soi. Trouble passager quoique l'une des grandes
craintes qu'exerce le virtuel est justement la perte des repères
psychiques et corporels.
Tout d'abord, pénétrer dans un univers virtuel
entraîne un choc de "l'éprouvé corporel".
L'individu réapprend à ressentir et à
utiliser ses organes, il s'agit d'une expérience à
la fois biologique et physique puisqu'il doit également
adapter sa gestuelle et ses mouvements.
Par ailleurs, c'est l'expérience psychologique de sa
propre réalité qu'il met à l'épreuve
(ce que les héros d'eXistenZ découvrent
à leurs dépend).
En effet, le virtuel offre des sensations similaires à
celles liées au phénomène de dépersonnalisation.
C'est à dire l'altération des sentiments d'être
et d'avoir un corps, d'être une personne ayant une identité,
de percevoir un monde cohérent et familier où
l'on se réalise. Il est fréquent que les schizophrènes
aient le sentiment de n'être plus eux-mêmes dans
leur intégrité corporelle.
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