 |
|
|
|
Amoureuse, entre Chris et
Annie. Il reprend des motifs de la fresque originelle imaginée
et créée par Annie : « la toile était vierge de mon vivant
», dit-il incrusté dans la toile, stupéfait, en découvrant
un arbre mauve qu'il n'avait jamais vu auparavant. L'évolution
du matte-painting s'établit par télépathie, lorsque
son esprit et celui de sa femme se rejoignent par sa peinture.
Et inversement, le tableau qu'elle peint et abîme (qui fait
alors décliner l'arbre, dans sa perte de feuillage), met en
branle l'accord de leurs deux âmes jusqu'alors jumelées. Enfin,
dans Au-delà de nos rêves comme dans "Pierre et
le loup", le héros devient metteur en scène du matte-painting,
du propre paysage dans lequel il se trouve. Doc annonce à
son ami Chris qu'il peut imaginer ce qu'il veut « d'après
les tableaux » qu'il aime. Chris décide de faire voler l'oiseau
statique aux ailes déployées et suspendues, qui tracent alors
au passage de longues strates horizontales, sur les charges
d'orange initiales. Les nouvelles facultés mentales de Chris
font redoubler la part surnaturelle du plan-tableau, les ailes
de l'oiseau se muant en pinceau-rouleau. Ce tracé au sein
du matte-painting fait saillir une nouvelle couche
de peinture. Chris devient peintre et concepteur à distance,
en conférant à l'animal des ailes turquoises et en dirigeant
les mouvements d'aile d'un oiseau-marionnette en Animatronic.
La fixité du matte-painting laisse place au mouvement et au
déplacement des couleurs. L'excrément qui tombe ensuite sur
son épaule fait lien : il donne de l'ampleur et de la corporalité
au contrôle purement virtuel de Chris. La masse de
l'excrément (semblable à du chewing-gum liquéfié) sert ainsi
de raccord de plan et de raccord sémantique entre Chris et
l'oiseau au tracé imaginé. Dans "Pierre et le
loup", aux signes de main de Pierre répond l'irruption
dans le plan du serpent en IS : il coordonne son rôle en lui
ordonnant ensuite une action d'utilité, une aide. Aussi, dans
la dernière séquence, le narrateur Peter Ustinov remonte le
courant du récit en accéléré : en actionnant une télécommande
et en interpellant le spectateur (« regarde » dit-il), il
confirme la régie humaine de l'IS, mise ainsi en abyme au
sein même de la diégèse.
|
 |
|
|
Le passage humain dans le
tableau et le voyage au sein des matte-paintings en
témoignent : l'image de synthèse dans Au-delà de nos rêves
est de nature fantastique, car elle se définit
« par une hésitation continue entre réel et surnaturel.
» (2). Vivre dans le tableau pour Chris demande
l'animation de l'image de synthèse et d'un univers parallèle
à forte dimension poétique. L'ancien, la fresque (picturale)
est relayée par le nouveau, l'évolution virtuelle d'un homme
au sein de formes picturales en IS (emploi des matte-paintings)
: les « couleurs sont un leurre qui persuade les yeux » (3)
et l'ordinateur de prolonger et de réinventer brillamment
le trompe-l’œil d'un film inclus (en abyme) dans le tableau.
 |
|
 |
|
1) Thierry Cazals, Le
monde comme simulacre et programmation, Cahiers
du cinéma, « Le cinéma contre limage : les
« nouvelles images », n° 399, septembre 1987,
p. 51.
2) Philippe Hamon, Poétique,
« Un discours contraint », III, n° 16, p. 417.
3) Nicolas Poussin,
« Des séductions de la couleur », dans les Douze
Observations sur la peinture édité par G.
P. Bellori, cité dans Peinture et rhétorique,
« Préface » par Olivier Bonfait, Actes du colloque
de l’Académie de France à Rome, le 10-11 juin
1993, sous la direction dOlivier Bonfait, Réunion
des musées nationaux, p. 11 (note 5, p. 19), 1994.
|
|
|