A l’occasion de la 9e Semaine Départementale
du Cinéma organisée dans le Lot-et-Garonne, une
" Soirée Texas " était organisée
au cinéma Les Montreurs d’Images à Agen, avec
buffet de tacos et autres tortillas à l’entracte.
Fallait-il noter l’émergence spontanée d’un comité
de soutien à Georges Dabeuliou ? Nenni, aucun
ballon rouge ou bleu n’obscurcissait la vue et pas le moindre
panonceau " Votez pour le fils " ne se dressait
avec enthousiasme parmi les participants. Pourtant, il serait
effectivement question d’une campagne électorale américaine
durant la soirée, mais d’un modèle loufoque et
outrancièrement comique, quoique la réalité
soit parfois aussi burlesque : après avoir élu
il y a quelques années un piètre second couteau
des westerns de série B, les Américains s’apprêtent
à présent à voir un Président opérer
le trajet inverse, puisque l’inénarrable Bill a accepté
de jouer son propre rôle de patron de la Maison Blanche
dans un James Bond. Bref, et même s’il serait également
question de la chaise électrique durant la soirée,
nul ne pensait un seul instant à Junior dans la
salle, mais plutôt à deux autres vrais Texans,
les Frères Coen, réalisateurs de " O’Brother,
where art thou ? ". Les Montreurs d’Images avaient
convié Jean Douchet, critique émérite aux
Cahiers du Cinéma et historien du Septième Art,
à venir commenter ces pérégrinations rocambolesques
de trois pieds nickelés naïvement zozos et fraîchement
gominés à travers une Amérique qui découvre
le blues et les prémices d’un rock trépidant à
l’époque de la Crise de 29. |
SYNOPSIS : Dans le Mississippi
profond, pendant la Grande Dépression. Trois prisonniers
enchaînés s'évadent du bagne : Ulysses
Everett McGill, le gentil et simple Delmar et l'éternel
râleur Pete. Ils tentent l'aventure de leur vie pour
retrouver leur liberté et leur maison. N'ayant rien
à perdre et unis par leurs chaînes, ils entreprennent
un voyage semé d’embûches et riche en personnages
hauts en couleur. Mais ils devront redoubler d'inventivité
pour échapper au mystérieux et rusé shérif
Cooley, lancé à leur poursuite...
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UN UNIVERS CINEMATOGRAPHIQUE DE LA REPRESENTATION
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O' Brother… se présente
de façon ambitieuse comme une retranscription de L'Odyssée
de Homère et, sur un mode beaucoup plus plaisant, comme
une sorte de parodie de certains styles de cinémas
américains hollywoodiens, à commencer par les
road-movies. Il appartient à ce type de films qui mélangent
plusieurs genres et qui sont, de ce point de vue, apparemment,
"impurs", dans le sens où, justement, on peut
les prendre de différents côtés.
C'est un film composite, on y trouve des références
à beaucoup de choses, et d'abord à Homère,
qui est d'ailleurs présenté dans le film sous
l'aspect du noir aveugle sur sa draisine, puisque tout le
monde sait de façon certaine qu'Homère était
aveugle. On trouve beaucoup de citations à L'Odyssée
ailleurs dans le film, c'est un film à citations, comme
l'ensemble du cinéma américain depuis trente
ans : c'est un cinéma qui n'est plus dans l'innocence
et qui sait qu'il y a eu avant un autre cinéma, le
grand cinéma classique. Depuis les alentours de 1970,
tout le cinéma hollywoodien des grands cinéastes
travaille sur ce qui s'est déjà fait avant,
la référence est obligatoire. Par exemple, au
début de ce film, le personnage d'Ulysse est habillé
de telle façon que, si l'on connaît l'histoire
du cinéma et les films des grands cinéastes
américains, on est obligé de penser au film
de John Ford, "Les Raisins de la Colère" : très
volontairement, ils le font ressembler à Henry Fonda
dans "Les Raisins de la Colère" puisque, c'est logique,
le film se passe a priori à la même époque
et le film de Ford était lui-même aussi un road-movie.
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