SYNOPSIS : Publicitaire
new-yorkais, le paisible Roger O. Thornhill est enlevé
par des inconnus qui le prennent pour un mystérieux George
Kaplan. Conduit dans une villa, il est interrogé par
un certain Vandamm et ne comprend rien aux questions qui lui
sont posées. Echappant de justesse au sort qui lui était
promis, Thornhill se rend à la police. Mais son histoire
est tellement invraisemblable que personne ne le croit. Il entreprend
alors de retrouver l'homme auquel appartient la villa où
il avait été conduit, un certain Lester Townsend
qui travaille pour les Nations-Unies. Malheureusement, ce dernier
est poignardé et Thornhill se retrouve soupçonné
du meurtre... |
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UN RÊVE GEOMETRIQUE
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La reprise du fameux chef d’œuvre
hitchcockien North By Norwest (1959), en copies neuves
et version panoramique, a permis sans doute à de nombreuses
personnes de redécouvrir un film qu'ils connaissaient
déjà bien, pour l'avoir vu et revu à
la télévision. Puissance infinie des chefs d'oeuvre
de ne jamais épuiser leurs charmes et leur possibilité
de lecture. Cette nouvelle vision sur grand écran confirme,
de manière frappante, une impression maintes fois éprouvée
devant un film d'Hitchcock : tout se déroule selon
la logique d'un rêve, ou plutôt d'un cauchemar.
Le héros, Roger Thornill, homme ordinaire, c'est-à-dire
sans histoire, est subitement précipité dans
une histoire de la même façon qu'il passe dans
un autre monde, quasi irréel et fantastique. Au départ,
il y a le cours ordinaire de la vie, un quartier de New-York
envahi par une foule affairée, Thornill quitte son
bureau pour se rendre à un rendez-vous professionnel,
et puis, d'un seul coup, à la (dé)faveur d'un
hasard fâcheux, c'est-à-dire un croisement (la
trajectoire de Thornill croise celle des espions, qui le prennent
pour un autre), tout dérape, l'ordinaire bascule dans
l'extraordinaire et l'on retrouve bien sûr là
l'une des grandes recettes du récit hitchcockien :
plonger un homme ordinaire dans des circonstances extraordinaires.
En tout cas, le récit procède authentiquement
dune situation kafkaïenne : le héros, apparemment
innocent, sans qu'il en connaisse la raison est emmené
de force par deux hommes.
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Prenons donc l'histoire de North
By Norwest pour ce qu'elle nous apparaît être
: une espèce de rêve. On y trouve l'idée
d'un passage, d'une frontière, d'un seuil entre deux
mondes, passage que traverse le héros. Ainsi, une fois
confondu avec un autre, Roger Thornill quitte les amarres
de son univers familier, et la figure de sa mère, très
présente au début, ne va plus réapparaître
ensuite. Et puis son histoire est d'emblée marquée
par le sceau du rêve car lorsqu'il revient, avec la
police, dans la maison où il s'est fait séquestrer,
rien ne correspond à ce qu'il a décrit aux policiers,
le décor a été changé, les traces
effacées, exactement comme s'il avait rêvé
ce qu'il a vécu.
Le rêve est aussi un voyage
et le titre du film insiste bien sur le caractère spatial
de l'aventure: North By Norwest. Normal, il s'agit
d'une course poursuite et aussi d'une quête; l'homme
à la poursuite de la vérité ou plus exactement
de son identité (son ombre).
On passe de New-York à Chicago, via le train, pour
finir au Dakota du Sud, sur le célèbre mont
Rushmore. Ainsi si "Vertigo" est le film sur le temps, symbolisé
par la figure de la spirale et travaillé par une pensée
de la différence et de la répétition,
North By Norwest est par excellence le film sur l'espace,
appuyé sur la figure de la ligne droite et développant
une logique de la transparence. Or ce qui frappe c'est à
quel point l'espace se voit imposer un traitement épuré,
géométrique, presque abstrait, une sorte de
ligne claire. De là la forte présence, rare
chez Hitchcock, de bâtiments à l'architecture
ultra-moderne, typique des années cinquante (les immeubles
en verre, le siège de l'ONU, la maison de Vandamm ...).
La nature, elle aussi, répond à ces critères
comme, par exemple, dans la célèbre séquence
de l'avion: un champ immense et désert dans un paysage
de plaine, traversé par la ligne d'une route. Ainsi
l'étrange aventure de Roger Thornill prend la forme
d'un rêve géométrique. Pensons au générique
du début : sur fond vert, des lignes qui se croisent
et finissent par dessiner les parois de verre d'un immeuble.
La forme précède la figure. De fait, le film
regorge de nombreux motifs géométriques : cercle
(la roue de la voiture de Thornill au dessus du vide), lignes,
croix, espaces clairs et lisses. A ce titre, il faut noter
quelques plans absolument stupéfiants, notamment ce
plan pris du haut de l'immeuble de l'ONU où, dans une
plongée vertigineuse, l'on voit le héros, de
la taille d'une fourmi, quitter le bâtiment et regagner
un taxi; un point qui se déplace dans un espace vide.
La propension picturale de certains plans d'Hitchcock n'est
pas neuve, qu'elle emprunte à l'esthétique surréaliste
("la maison du docteur Edwards") ou comme ici à l'art
abstrait contemporain.
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