SOUS LE CIEL
DE GARREL, LA FEMME EST SOUVERAINE
Histoire atypique que celle de Philippe Garrel, cinéaste,
metteur en scène, faiseur d'image, artisan : tant de qualificatifs
qui lui vont à merveille. L'homme flirte avec le cinéma depuis
plus de 30 ans et son histoire est celle d'une éternelle identification.
Celle d'un artiste acculé à une existence pauvre et qui parachève
ses amours dans la pratique de son art. L'image que l'on a
de Garrel est celle d'un homme qui déambule dans une chambre
aux murs blancs où un violent faisceau éclaire ses cheveux
ébouriffés. Tournoyant, rentrant, sortant du champ à tout
instant, Philippe Garrel est à l'image de la pellicule : sensible
et sombre. Nul n'est besoin de dissocier l'homme de son œuvre.
De Nico, la femme fatale du Velvet Underground, à Mireille
Perrier en passant par Anne Wiazemsky : autant de déesses
de l'univers garrelien. L'homme au regard vide du berceau
de cristal traverse les décennies, répétant les mêmes gestes
avec la même application, la même humanité : celle d'un homme
qui ne s'éloigne jamais bien loin des origines. Humble, l'homme
l'est sans conteste, filmant avec amour ingénieur du son,
clap man, comédiens, cinéastes ( tels que Chantal Akerman
ou Jacques Doillon ). Homme de Gauche, l'artiste a définitivement
une caméra à la place du cœur et n'hésite jamais à s'exposer,
à investir son corps dans l'espace. Souvent figé, traversé
par les ravages de l'amour, Garrel accomplit un véritable
numéro d’équilibriste, car celui qui avoue faire du cinéma
pour se protéger du monde exhibe ses névroses au plus grand
nombre. Dès lors, il s'avère impossible de désolidariser le
personnage de son œuvre, lui qui vit dans cette perpétuelle
recherche de sublimation dans l'art.
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Frappé d'une asthénie récurrente, Garrel
au physique hâve, erre et divague souvent. Entre impudeur
et sublimation, il observe au fil des ans un travail cathartique
de longue haleine. Elle a passé tant d'heures sous les
sunlights décline ainsi invariablement l'histoire garrelienne.
Celle de l'homme en tant qu'entité spirituelle perdant une
femme, ranimant toujours et encore la détérioration de sa
relation avec Nico. Relation fondatrice de toute l’œuvre du
cinéaste, point de jonction entre tous ses films : Anne Wiazemsky
et Mireille Perrier convoquent successivement la déesse berlinoise
tandis que le sublime Jacques Bonnaffé, incarne ni plus ni
moins un double du cinéaste, instaurant une dualité permanente
entre fiction et réalité.
Poète, l'homme fascine. Peu de cinéastes peuvent se targuer
d'avoir filmé femmes et enfants avec autant de candeur. Son
cinéma soulève une intense émotion esthétique proche du syndrome
de Stendhal. La beauté de Nico, de Tina Aumont, Dominique
Sanda et Jean Seberg réveille une liturgie cinématographique
des premières heures.
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