Plus Martin fait l'amour avec
Cécilia, plus elle lui échappe. De là la frénésie sexuelle du
personnage car le sexe n'est pas tant source de plaisir qu'instrument
de connaissance : un moyen d'accéder à la vérité. A cette frénésie
correspond d'ailleurs la litanie de questions que Martin pose
à Cécilia. Au sent strict, Martin veut posséder, prendre Cécilia,
comme pour s'assurer d'une connaissance solide et stable qui
toujours se dérobe. Le sexe est donc une tâche vaine et perpétuellement
recommencée, qui ne donne que l'illusion d'atteindre la jeune
fille, de résoudre l'énigme qu'elle représente. Le corps ne
donne pas la clef de l'être. Au cœur de l'ennui, il y a cette
insatisfaction fondamentale, comme chez Moravia qui écrit :
"Il n'y a qu'une chose qui soit plus mystérieuse que
la satisfaction, c'est l'insatisfaction."
En cela, la sexualité ne laisse pas d'avoir un côté glaçant
et morbide. Accentuant la solitude de Martin, son basculement
dans la folie et la mort, la passion érotique est facteur de
perdition. Non pas sur le plan moral mais simplement ontologique
et existentiel.
Au fond, aux questions harcelantes de Martin, Cécilia n'offre
comme réponse que sa présence toujours plus opaque : un pur
bloc de chair. Elle ne souffre pas, ne proteste pas, ne réagit
pas, ne s'énerve pas et accepte tout dans une sorte d'élan innocent
et irréfléchi. Elle est comme une pure manifestation de la matière,
une statue, une image (c'est ainsi qu'elle nous apparaît en
premier : une peinture). Tandis que Martin cherche sans cesse
à la définir, à donner des raisons à quelque chose qui n'en
a pas et se contente d'être. Et on se dit alors que pour ce
philosophe de Martin l'ennui est comme la nausée dans le roman
de Sartre : une angoisse existentielle et inapaisable face à
un surgissement, un envahissement de la matière. Et ce que dit
Roquentin de la racine pourrait très bien être dit par Martin
au sujet de Cécilia : "Mais devant cette grosse patte
rugueuse, ni l'ignorance ni le savoir n'avaient d'importance
: le monde des explications et des raisons n'est pas celui de
l'existence (...) Cette racine existait dans la mesure où je
ne pouvais pas l'expliquer". C'est dire que L'Ennui
est une grande tragi-comédie de l'absurde.
2003 Feux rouges avec Jean-Pierre
Darroussin, Carole Bouquet 2000 Roberto Succo
avec Stefano Cassetti, Isild Le Besco 1998 L'Ennui avec
Charles Berling, Sophie Guillemin 1996 Culpabilité
zéro avec Vincent Berger, Marie Mure 1993 Trop de bonheur
avec Estelle Perron, Caroline Trousselard 1991 Bar des rails
avec Fabienne Babe, Brigitte Rouan 1990 Les Dernières
heures du millénaire (CM) avec Nathalie
Richard 1989 Nadir (CM)
de Claude Berri