SYNOPSIS : Ils dansent. Elle, c'est Léa, une lycéenne. Lui, il s'appelle Kurt. Il
a un drôle d'accent et plusieurs voitures. Ils viennent de se rencontrer sur
la Côte, à la fin des vacances. Et quand Léa rentre chez elle en Savoie, Kurt
vient la voir régulièrement... Sur l'itinéraire Côte d'Azur / Savoie ont lieu
des cambriolages en série, des agressions, des rapts de femmes, des meurtres
incompréhensibles. Les gendarmes enquêtent, recoupent méthodiquement les faits
qui les mènent sur la piste d'un dangereux criminel italien en cavale... |
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VERTIGE
DE L'IDENTITE
En s'attaquant à la figure réelle
de Roberto Succo, dans une démarche soucieuse d'une certaine
fidélité à la réalité et reprenant une solide enquête biographique,
Cédric Kahn offre en même temps un vrai film de genre, ce genre
particulier du film noir qu'est le portrait d'un monstre, illustré
par des films comme L'étrangleur de Boston de Richard
Fleischer ou Henry portrait d'un serial killer de John
Mc Naughton. Problème moral pour la mise en scène : comment
filmer un salaud ? Le parti pris est clair : suivre le criminel
de façon aussi neutre et détachée que possible, dans une sécheresse
objective se refusant à porter un jugement. Seule démarche à
peu près viable pour éviter le double piège de la complaisance
(l'identification) et inversement de la diabolisation. Et c'est
celle qu'a adoptée Kahn : il suit Succo, l'observe à certains
moments de sa vie de façon brute et sèche.
Ce cinéma, centré sur les faits, lorgne plutôt vers le cinéma
américain. Les séquences idylliques de la première partie entre
Succo et sa petite amie (Isild le Besco), notamment une belle
scène de refuge dans la nature, font irrésistiblement penser
aux films d'amants criminels comme Bonnie and Clyde ou
plus encore La ballade sauvage de Terence Malick (le
personnage de Succo, joué par le débutant Stéphane Casetti,
n'est pas sans rappeler, physiquement et dans sa folie meurtrière,
le personnage de Martin Sheen). Mais surtout, la mise en scène,
admirable de maîtrise, a la nervosité et l'efficacité des films
américains. Il y a un sens étonnant de l'économie du récit qui
fait presque penser aux films noirs de Walsh ou de Lang. Il
suffit à Kahn de trois ou quatre plans pour installer parfaitement
une situation ou une ambiance, par exemple la scène de la rencontre
entre Succo et Léa dans une boîte de nuit. Le cinéaste va constamment
à l'essentiel ; le récit est dégraissé, débarrassé de toute
fioriture (les passages sur l'enquête des gendarmes brillent
par leur extrême sécheresse, voire fonctionnalité, notamment
au niveau du jeu d'acteur). Ce qui insuffle au film une tension
réellement impressionnante, voire éprouvante. C'est dire que
les scènes d'action sont remarquablement réussies, et contribuent
grandement à ce climat de tension. Dans le cinéma de Cédric
Kahn, les scènes giflent, claquent comme des coups assénés au
spectateur. Il y a un art magistral du montage (Kahn a une formation
de monteur), volontiers fulgurant et elliptique, et l'on ne
s'étonnera pas de la présence du grand Yann Dédet.
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