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Phantom of paradise (c) D.R. BRIAN De PALMA
L’image instable
Par Cécile Giraud


Le grand thème du cinéma de Brian De Palma est celui du double. Les personnages se cherchent une identité, sans pour autant en être conscients. Le traitement de l’image chez De Palma est en miroir de ces personnages : instable.


Le plan est rarement unité. L’image est torturée : coupée, brouillée, multipliée. Elle perd son identité pour en trouver plusieurs. La multiplicité des rythmes et des images engendre une dualité contradictoire. Le film semble être étiré dans deux directions opposées, et souffrir de cette lutte incessante entre les images : laquelle sera déclarée vainqueur ? La réponse reste en suspend. Car le jeu de piste dans lequel nous entraîne Brian De Palma nous égare dans un labyrinthe d’où on ne pourra jamais sortir, en témoignent les doubles fins de Carrie ou Pulsions.

Mais comment se manifeste cette instabilité, cette dualité, cette lutte entre les images ?

  Brian De Palma (c) D.R.
Brian De Palma utilise les images de deux façons contradictoires : les unes sont enfermées sur elles-mêmes sans avoir d’identité propre, les autres sont une fenêtre ouverte sur un autre espace, voire un autre espace-temps.

L’image fermée répond à la boucle (ou à la spirale, relative au cinéma d’Hitchcock) que forment la plupart des films de De Palma. La dualité contamine peu à peu l’ensemble du film, le personnage lègue son malaise à un être sain qui le prolongera, on le suppute, en devenant à son tour double. La fin renvoie au début.

Mais la dualité vient également de la structure du film : il représente, paradoxalement, une boucle ouverte. Car les fins qui renvoient aux débuts sont tronquées et ouvrent sur un autre espace-temps, un autre personnage, un malaise en devenir. A cela correspond l’image ouverte.

L’image fermée n’est pourtant pas une. Elle n’a pas d’identité, elle est brouillée, torturée. Plusieurs éléments s’opposent en son cœur même. Dans Pulsions, la pluie est cet élément qui rend l’image floue, qui la rend double. Derrière le rideau uniforme se dessine, ou plutôt se liquéfie, une image que nous supposons unie, mais que nous devons deviner à défaut de la voir.

Carrie (c) D.R.

Dans Carrie, lors de la scène du bal, De Palma crée des images fermées en utilisant la lumière et le travelling circulaire. Là aussi l’image est floue : la lumière des projecteurs semble créer un voile sur les personnages dont les contours s’estompent. Le mouvement circulaire de la caméra associé à celui du couple nous donne une impression de boucle fermée que rien ne pourra arrêter, d’autant plus affirmée que nous baignons dans un duo de couleurs contradictoires mais inchangeantes : le bleu et le rose. Cette contradiction à l’intérieur même de l’image fermée est un appel au point de rupture qui ponctue la scène et qui engendrera une autre image, radicalement différente de la première.

Le point de rupture est une des composantes essentielles du cinéma de Brian De Palma, entraîné par la dualité des personnages qui font sombrer le film dans l’instabilité, et le font se transformer. Le point de rupture, c’est la trahison dans Mission : Impossible, c’est le meurtre de Snake Eyes, c’est le seau de sang de porc qui se renverse sur Carrie. Cette dernière scène flamboyante est sans doute la plus forte pour décrire et analyser le point de rupture.