Les films de John Carpenter sont toujours des films de genre,
de mauvais genres, de ceux qui se font traiter de séries B
: horreur, science-fiction, fantastique, aventures, anticipation,
gore, toutes ces sous-classes ont été envisagées une fois
par Carpenter. Sa filmographie présente certes des films d'action
anticipative (New York 1999 et Los Angeles 2013),
du fantastique impur (Christine), du psycho movie
(Halloween), de la S-F paranoïaque (Invasion Los
Angeles). Mais ce qui relie les différents opus, médiocres
ou excellents, de Carpenter, ce sont des thématiques et des
dimensions semblables, propres à l'épouvante, à un type d'épouvante
que Carpenter s'est forgé lui-même au fil de ses films et
qu'il est seul à produire cinématographiquement. Ses meilleurs
films sont ceux où l'épouvante est le vecteur de quelques
thèmes décisifs et structurels, à savoir l'altérité inadmissible,
le matérialisme du mal et l'effroi comme mode de dévoilement
du réel. Son plus grand film, The Thing, réunit ces
trois choses ; mais on doit aussi signaler Prince des Ténèbres,
The Fog, Assaut, Halloween, l'Antre
de la Folie, Le village des Damnés, Christine,
Vampires, tous traitant à divers degrés de ces trois
thèmes. C'est pourquoi nous essaierons de voir à partir principalement
de The Thing comment Carpenter réussit à créer par
le cinéma un mode d'être singulier de l'épouvante.
L'altérité inadmissible
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Rappelons brièvement le sujet de The
Thing : un organisme extra-terrestre, endormi depuis plusieurs
milliers années dans les glaces de l'Antarctique, est réveillé
accidentellement par les recherches d'une équipe scientifique
norvégienne. Une équipe américaine sera décimée à la suite
de la première équipe, par cet organisme qui n'a aucune forme,
sinon celle qu'il emprunte à celui qu'il choisit comme hôte
: d'abord un chien, puis les membres de l'équipe. La Chose,
vite repérée dans le timing du film, procède par imitation
et assimilation de l'organisme imité. Résultat : chacun soupçonne
l'autre de ne pas être ce qu'il est, de ne pas être son semblable.
Que The Thing soit un remake de La chose
d'un autre monde, film d'épouvante des années 50 (Howard
Hawks) qui comme Body Snatchers (Don Siegel), exprimait
de façon à peine inconsciente et presque banale à cette époque
la peur de l'intrusion interne du communisme, ne serait qu'anecdotique
si la dimension idéologique sous-jacente n'était retenue ;
ce qui dans The Thing, subsiste de ces films à la dénégation
toute freudienne, c'est la paranoïa. Autrement dit une dimension
singulière de la perception de l'autre et de l'espace. Voilà
le message. Voilà la vérité du film : un problème de perception.
L'autre n'est déjà plus le même. Le film réalise concrètement
le véritable cauchemar platonicien de la perte de l'objet
au bénéfice du simulacre.
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