Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
JOHN CARPENTER
Une Ontologie de l’épouvante
Par Sylvain MILLIOT



Les films de John Carpenter sont toujours des films de genre, de mauvais genres, de ceux qui se font traiter de séries B : horreur, science-fiction, fantastique, aventures, anticipation, gore, toutes ces sous-classes ont été envisagées une fois par Carpenter. Sa filmographie présente certes des films d'action anticipative (New York 1999 et Los Angeles 2013), du fantastique impur (Christine), du psycho movie (Halloween), de la S-F paranoïaque (Invasion Los Angeles). Mais ce qui relie les différents opus, médiocres ou excellents, de Carpenter, ce sont des thématiques et des dimensions semblables, propres à l'épouvante, à un type d'épouvante que Carpenter s'est forgé lui-même au fil de ses films et qu'il est seul à produire cinématographiquement. Ses meilleurs films sont ceux où l'épouvante est le vecteur de quelques thèmes décisifs et structurels, à savoir l'altérité inadmissible, le matérialisme du mal et l'effroi comme mode de dévoilement du réel. Son plus grand film, The Thing, réunit ces trois choses ; mais on doit aussi signaler Prince des Ténèbres, The Fog, Assaut, Halloween, l'Antre de la Folie, Le village des Damnés, Christine, Vampires, tous traitant à divers degrés de ces trois thèmes. C'est pourquoi nous essaierons de voir à partir principalement de The Thing comment Carpenter réussit à créer par le cinéma un mode d'être singulier de l'épouvante.

L'altérité inadmissible

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Rappelons brièvement le sujet de The Thing : un organisme extra-terrestre, endormi depuis plusieurs milliers années dans les glaces de l'Antarctique, est réveillé accidentellement par les recherches d'une équipe scientifique norvégienne. Une équipe américaine sera décimée à la suite de la première équipe, par cet organisme qui n'a aucune forme, sinon celle qu'il emprunte à celui qu'il choisit comme hôte : d'abord un chien, puis les membres de l'équipe. La Chose, vite repérée dans le timing du film, procède par imitation et assimilation de l'organisme imité. Résultat : chacun soupçonne l'autre de ne pas être ce qu'il est, de ne pas être son semblable. Que The Thing soit un remake de La chose d'un autre monde, film d'épouvante des années 50 (Howard Hawks) qui comme Body Snatchers (Don Siegel), exprimait de façon à peine inconsciente et presque banale à cette époque la peur de l'intrusion interne du communisme, ne serait qu'anecdotique si la dimension idéologique sous-jacente n'était retenue ; ce qui dans The Thing, subsiste de ces films à la dénégation toute freudienne, c'est la paranoïa. Autrement dit une dimension singulière de la perception de l'autre et de l'espace. Voilà le message. Voilà la vérité du film : un problème de perception. L'autre n'est déjà plus le même. Le film réalise concrètement le véritable cauchemar platonicien de la perte de l'objet au bénéfice du simulacre.