Derrière chaque défaite,
il y a une victoire. Dans Les Raisins de la colère, on retrouve
cette dialectique avec les discours de Tom Joad et de Ma."
Romac : "Comment
peut-on lier Les Raisins de la colère et La Chevauchée fantastique
?"
Daylins : "Il y a un
contraste tranchant entre les deux films. Mais déjà Vers sa
destinée marque une rupture. Au fond qu'est ce qu'il se passe
lorsque Ford réalise La Chevauchée fantastique ? Il
a atteint un degré de maîtrise qui lui permet de donner à
ses effets un soutien stylistique et homogène. Il est mûr
pour faire de grands films. Mais la tâche n'est pas aisée,
car il est difficile de montrer, avec de simples mots et de
simples gestes, le courage et l'intégrité, de laisser deviner
les vertus ou de suggérer de façon convaincante la grandeur
d'un destin.
C'est donc avec Vers
sa destinée, que Ford atteint sa maturité artistique.
Ensuite chacun des films tournés entre 1939 et 1945 est, à
sa manière, une variation sur le même thème. Ce thème est,
encore et toujours, un thème humain. Ses histoires sont pleines
de batailles, de poursuites, de duels, de fête, de gaudrioles,
mais ce sont les personnages qui prédominent et leur donnent
leur raison d'être. Jack ne se sert jamais des hommes simplement
pour justifier des évènements ou illustrer des idées. Sa foi
dans le genre humain ne connaît pas de limites. La valeur
de l'homme est pour lui une vérité incontestable et ses personnages
prennent souvent, à un moment donné, la statue du héros.
Ici et là, Ford casse volontairement le rythme dramatique
de ses films pour se concentrer sur un visage ou une attitude,
non pas avec la brièveté d'une observation marginale, mais
avec une mise en valeur du détail qui, ainsi accentué, semble
porter pour un instant tout le poids et toutes les intentions
du film."
Un silence les environnait
à présent, et tous, allongés, regardaient le ciel.
Daylins : "Aimez-vous
les uns les autres ! Voilà ce qu'il y a de chrétien dans les
films de Jack. Le mal est plus efficacement combattu par l'amour
et la solidarité. Pour les frères Earp, la mère refuse de
livrer un de ses fils à la justice pour sauver l'autre ; l'officier
qui se bat pour préserver l'unité de son escadrille ; Ma Joad
qui lutte pour maintenir la cohésion de sa famille, en sont
les symboles les plus tenaces. La vraie tragédie, c'est la
désagrégation d'une communauté."
Nogdabovitch : " Et
le contraire, c'est l'agrandissement d'une communauté. Dans
Les raisins de la colère, il ne suffit plus d'aimer
sa mère et sa parcelle de terre, il n'y a pas d'espace trop
grand pour l'amour d'un seul homme."
Romac : "La terre pourrait
être un autre thème auquel se rattachent les films de Ford.
Ce qui rapproche La Chevauchée fantastique des Raisins
de la colère, c'est le rapport à la terre. A quoi pensent
les Joad et le personnage interprété par John Wayne ? A la
terre, bien sûr"...
Nogdabovitch : " Les
héros de Ford sont des paysans. L'œuvre est en fait une vaste
saga agrarienne. Il s'agit toujours de défricher, cultiver,
posséder, agrandir ce qu'on possède, former une société, puis
en bannir les éléments mauvais, et tout cela à partir d'une
emprise sur la terre."
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