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- Je ne te comprend pas.
- C'est simple. Lorsque nous te dirons que tel élément important dans Les Raisins de la colère est crucial dans tel et tel film muet de Ford, ou tel film que tu n'auras pas vu, tu seras forcé d'accepter ce que l'on te dit, tu devras nous croire sur parole sans pouvoir juger par toi-même si les rapports que nous établissons sont fondés ou non.
- Très juste, je n'y avais pas pensé. Je vous propose donc de n'utiliser dans un premier temps, que les films que j'ai vus. Quels sont les films que tu as vus ?
- La Chevauché fantastique, Vers sa destinée, Le massacre de Ford Apache, Midway battle et Pearl Harbor"
- Veux-tu commencer Nogdabovitch ?
- Ouvre la séance toi-même, Daylins !
- Bon. Il me semble que pour satisfaire les critiques qui considèrent Ford comme "un réac", je donnerais trois thèmes fordiens : Religion, Amour, Patrie !
- Que dirais-tu de la religion, Daylins ?
- Lorsqu'on demandait à Ford s'il était religieux, il vous répondait que c'était un catholique pas très catholique. Il avait une foi dont il ne parlait jamais, qu'il préservait ; et une foi chrétienne plus humaniste. De tous les films de Ford je crois que Les Raisins de la colère est le film le plus révélateur de cette fois là."

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Daylins poursuivit : "Les personnages et les situations sont directement puisés dans la Bible. Derrière l'histoire de l'exode de la famille Joad, on peut lire, en filigrane, l'histoire d'un peuple qui part à la recherche de la Terre Promise et qui n'a pour seule arme, que sa foi."

Nogdabovitch : " Mais quelle est cette foi ? Je commence à comprendre ce que Ford voulait dire par "catholique pas très catholique". Il a foi en l'homme lorsque celui-ci trouve la force de se battre pour sauver sa famille, son peuple ou sa patrie. C'est cet altruisme qui est essentiel pour lui."

Daylins " Tu as raison, le film commence par une crise de la foi et se termine par une foi retrouvée. Mais une foi envers le peuple. C'est Ma qui dit : "Nous, on est les gens qui vivent. On ne peut pas nous balayer, nous écraser. On ira toujours de l'avant parce qu'on est "les gens".

Le soleil ardent frappait sans relâche. Romac sentait que ces compagnons étaient fatigués. Il pouvait entendre une lassitude dans leur voix. Ils allèrent se protéger, à l'ombre d'un arbre qui penchait sur le Dorf.

Romac : "J'ai l'impression que Les raisins de la colère est la suite de Vers sa destinée. C'est la même famille. D'abord, elle est menacée de désagrégation. Elle affronte la justice qui accuse ses deux garçons de meurtre, puis grâce à l'avocat Lincoln qui va prouver l'innocence des deux gars, elle va reprendre la route vers une nouvelle terre. Dans Les raisins de la colère, l'unité de cette famille est à nouveau mise en danger. Tom Joad est en prison pour avoir tué un homme alors qu'il ne faisait que se défendre. Cette fois, il n'y a pas eu de Lincoln pour gagner son procès. La famille est chassée de ses terres, obligée de reprendre la route sans l'un des siens." Nogdabovitch : " Je suis sûre que si on prenait le temps de voir tous les films de Ford, on saurait rendre compte de cette continuité."

Daylins : "Oui, on verrait bien que les films racontent la saga américaine en termes humains."
Nogdabovitch : " Mais, je ne pense pas que l'unité de l'œuvre vienne exclusivement de ce qu'elle est consacrée à la saga américaine mais plutôt de la singulière vision fordienne de la vie. Son thème le plus récurrent est la défaite, l'échec ; la tragédie de l'échec, mais aussi la gloire particulière qui lui est inhérente : son dépassement. Et là je pense aux deux documentaires qu'il a faits pendant la deuxième guerre mondiale : Midway battle et Pearl Harbor. C'est étonnant comment, dans le deuxième film, on passe de la défaite à la victoire. À peine voit-on les dégâts causés par les bombardements que, déjà, Ford nous montre les soldats reconstruire les navires, les bâtiments, les avions avec, en voix off : " Hideki Tojo, vous êtes un fieffé menteur, vous avez cru affaiblir l'armée américaine, vous n'avez fait que la renforcer !"