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Ozu Yasujiro (c) D.R. YASUJIRO OZU
Noire est la couleur
Par Cyril JOHANNEAU



A l'occasion de la sortie en copies neuves (au Reflet Médicis Paris à partir du 8 décembre 2004) de Fleurs d'équinoxe (Higanbana), Bonjour (Ohayo), Fin d'automne (Akibiyori) et Le Goût du Saké (Sanma No Aji), quatre films en couleurs de Yasujiro Ozu, nous vous invitons, en plus de découvrir un dossier sur le site d'Arte (voir le dossier Arte) et de vous promener dans l'espace 3D dédié proposé, à vous pencher sur la couleur dans l'oeuvre du réalisateur.

Dans les films en couleur de Yasujiro Ozu, les ocres, les kakis, les couleurs sombres et passées dominent, ajoutant au ton triste et à la fois détaché, aigre-doux, de son œuvre. Désormais, la solitude, la résignation et la mort planent.


  Ukigusa (c) D.R.

Difficile d'appréhender la dernière période en couleur de Yasujiro Ozu (1903-1963) en faisant fi de son cinéma muet et en noir et blanc. Pas seulement parce l'ensemble de ses six films en couleur renferme en son sein trois remakes, mais aussi parce qu'il peut se lire à l'aune de son dernier opus en noir et blanc.

En 1957, sort Crépuscule à Tokyo (Tokyo Boshoku), l'un des films les plus mélodramatiques jamais tournés par l'auteur, où confrontations directes et chantages au suicide viennent émailler (et perturber) comme jamais la dramaturgie ozuienne classique. Si l'effet provoqué par la soudaine réapparition d'un parent absent a déjà été utilisé par Ozu, et le sera encore conformément à la première version dans Herbes Flottantes (Ukigusa, 1959), rares, chez lui, sont les excès tels que le suicide. En fait, ce film, d'une austérité que seuls des dialogues d'une extraordinaire qualité savent désamorcer, semble résonner comme le manifeste d'un cinéma à venir.

Une fois le paroxysme des situations et du ton atteint, le cinéaste retourne à son style et son humour. Si une douce ironie filtre encore dans Fleur d'Equinoxe (Higanbana, 1958), au travers d'une critique implicite du système familial japonais, sans cependant en faire la dénonciation, celle-ci disparaît bientôt pour faire place à un humour bon enfant dans ce qui est, l'année suivante, l'un des films les plus abordables d'Ozu, Bonjour (Ohayo). Comme dans son modèle, Gosses de Tokyo (Umarete wa Mita Keredo, 1932), la remise en question des bases de la conversation sociale (allégeance et infantilisation) et de la manière dont la famille japonaise fonctionne pour socialiser la jeunesse dans une acceptation du statu quo, passe par la grève, ici du silence, alors de la faim, seulement suppléée par une abondance de pets.