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Mulholland Drive (c) D.R.

MULHOLLAND DRIVE
de David Lynch

Par Jean-Baptiste LOUVET
et John Jefferson SELVE


MULHOLLAND TRIP

Après la ligne droite apaisée suivie par le vieil homme de Straight story, Lynch s’en revient à ses vieilles amours, et aux lignes brisées, entrecroisées, torturées tracées par le mémorable Lost Highway. Le réalisateur américain ne s’est cependant pas contenté, dans son nouveau film, de répéter ce qu’il avait déjà fait, mais d’aller, si c’est possible, encore au-delà dans l’expérimentation.



Le film, après un intrigant prologue sous forme de clip swinguant, débute par des plans nocturnes sur une luxueuse voiture qui conduit une femme brune – Rita – vers une destination inconnue. Très vite, les choses s’accélèrent : le chauffeur arrête la voiture. Il menace Rita d’un pistolet et semble vouloir la descendre, mais un bolide vient heurter la voiture. Rita réchappe de l’accident, mais complètement déboussolée : elle a perdu la mémoire, et ne sait plus même qui elle est.

  Mulholland Drive (c) D.R.

On imagine, une fois l’intrigue ainsi mise en place, que le film va s’employer à en dénouer les fils ; pourtant, une nouvelle intrigue et un nouveau personnage vont comme lancer une deuxième fois l’histoire. On découvre ainsi la jolie blonde Betty au sortir de l’avion, posant le pied sur le sol de la Californie, émerveillée et rayonnante : elle est là pour devenir actrice, et faire ses premiers pas dans le monde du spectacle. C’est un deuxième départ que prend le film, aussi opposé au premier que le sont les deux héroïnes : l’une brune entachée de zones d’ombre, l’autre blonde et solaire ; l’une qui a perdu son identité, l’autre qui veut gagner la sienne ; l’une au passé mystérieux, l’autre à l’avenir indécis ; l’une personnage de film noir, l’autre héroïne de comédie dramatique (et même d’un mauvais soap opera).

Les deux héroïnes vont cependant se rencontrer. Rita trouve refuge dans un appartement vide, celui-là même où s’installe Betty. Le film, dès que Betty et Rita se trouvent réunies, alterne les deux intrigues : Betty pénètre le milieu d’Hollywood, court les castings,…en même temps qu’elle mène les recherches qui permettront à Rita de découvrir sa véritable identité.

Mulholland drive a pour enjeu premier de faire tenir ensemble ces deux histoires et ces deux personnages. La première moitié du film en est la très belle démonstration, conclue par l’intense scène d’amour entre les deux héroïnes. Il importe pourtant de dire que cet enjeu n’est qu’apparent. La deuxième partie du film, vertigineuse de complexité, véritable travail de déconstruction des éléments précédemment mis en place, suffit à le prouver. Ce qui motive en réalité Lynch, et donne toute sa dimension à Mulholland drive, est précisément l’impossibilité de fondre harmonieusement en un tout les parties hétérogènes qui le composent. C’est l’espace intermédiaire entre les deux pôles opposés que représentent Rita et Betty qu’occupe le film ; c’est dans l’oscillation entre ces deux pôles qu’il navigue.