C’est pourquoi ce film échappe à
la logique d’une interprétation classique par sa structure
même. Pour continuer l’analogie botanique avec la racine,
Deleuze et Guattari opposent une structure rhizomatique, c’est-à-dire
constituée d’une tige souterraine ramifiée en
tous sens jusqu’à ses concrétions en bulbes
et tubercules.
Cette vision privilégie le principe
de connexions et d’hétérogénéité :
n’importe quel point du rhizome peut-être connecté
avec n’importe quel autre, et doit l’être.
C’est bien de cela qu’il s’agit chez Lynch :
de l’utopie cinématographique à son aporie,
de l’amour à la schizophrénie, de la vaporisation
à la condensation comme l’écrivit Baudelaire ;
Mulholland Drive nous livre un éclatement et une désagrégation
de la représentation des sentiments protéiformes
s’exprimant sur le territoire non jalonné de l’amnésie.
Il n’y a pas de chemin que nous indiquerait
l’auteur. Mais peut-être le tracé d’une cartographie
mentale qui prendrait forme à partir des multiples
connexions qui se donnent à voir au fur et à
mesure que le film se démultiplie sous nos yeux.
Et cette structure, cette application obsédante
de Lynch est une méthode de type rhizome, l’image ne
peut être analysée qu’en la décentrant
sur d’autres dimensions et d’autres registres. L’interprétation
n’est donc pas de rigueur sauf si l’on souhaite enfermer le
film sur lui-même dans une fonction d’impuissance réfutant
la boite de Pandore dont seule les héroïnes du
film ont la clef.
David Lynch est entré dans l’histoire
du cinéma mais il convient de ne pas l’embaumer trop
vite dans un système de référence où
il pourrait paraître aisé de cataloguer ses obsessions
et ses figures de style ( le bleu, la chanteuse, et tiens !
voilà le nain de Twin Peaks…)
Il s’agit avant tout d’un cinéaste
en perpétuelle recherche qui expérimente différents
types d’agencements créant à chaque fois un
nouvel objet du cinéma contemporain, une nouvelle machine
scopique ; dont la seule leçon à tirer
se trouve dans cette paraphrase de Mille Plateaux :
On ne se demandera jamais ce que veut dire un film, signifié
ou signifiant, on ne cherchera rien à comprendre dans
un film, on se demandera avec quoi il fonctionne, en connexion
de quoi il fait ou non passer des intensités, dans
quelles multiplicités il introduit et métamorphose
la sienne.
Ainsi un film étant lui-même
une petite machine, dans quel rapport à son tout mesurable
est-il avec la machine cinématographique ?
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Titre : Mulholland Drive
Réalisation :
David Lynch
Scénario : David
Lynch
Chef opérateur
: Peter Deming
Acteurs : Justin Theroux,
Naomi Watts, Laura Elena Harring, Ann Miller,
Robert Forster, Dan Hedaya, Angelo Badalamenti
Montage : Mary Sweeney
Musique Originale :Angelo
Badalamenti
Production : Alain Sarde,
Mary Sweeney, Neal Edelstein, Tony Krantz, Michael
Polaire, Les Films Alain Sarde, Le Studio Canal+,
Touchstone Television, Asymmetrical Productions,
Imagine Television, The Picture Factory
Festival : Prix de la
Mise en Scène du festival de Cannes 2001
Sortie France : 21 Novembre
2001
Distributeur :
Bac Films
Format image : 1.85:1
Couleur
Format sonore : Son
Dolby Digital
Pays : France -
USA
Durée : 146 minutes
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