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Sauvage Innocence (c) D.R. SAUVAGE INNOCENCE
de Philippe Garrel
Par Jean-Baptiste LOUVET
et John Jefferson SELVE


SYNOPSIS : Sauvage innocence raconte l'histoire d'un film à faire : étape par étape, nous suivons François (Medhi Belhaj Kacem) présenter son scénario à des producteurs, chercher l'actrice pour le rôle principal (Lucie, jouée par Julia Faure), s'entourer d'une équipe, repérer les sites de tournage en Belgique et en Hollande et enfin se mettre à l'œuvre. Film dans le film, le Sauvage Innocence de François dialogue avec le Sauvage Innocence de Garrel. François revendique, naïvement, la thèse de son film, qu'il veut être contre la drogue, mais c'est grâce à l'argent de la drogue et sous l'emprise de la drogue que le film avancera vers son terme. François fait aussi son film pour une femme aimée, tuée par overdose d'héroïne : il retrace sa vie, comme pour la ressusciter et la sauver ; mais, de la même façon contradictoire, c'est aux dépens de Lucie (Julia Faure), l'actrice et l'amante de François, que cette volonté salvatrice ira de l'avant. Ce jeu de contradictions permet à Garrel, moins naïf que François, de montrer ce que son héros voulait démontrer, et, moins mélancolique que François, d'exorciser un amour mortifère qui hante son héros.

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DEPENDANCE ET POSSESSION

Film à thèse et chant du cygne, Sauvage Innocence est surtout animé par un désir de révolte : révolte face à un monde (notre monde) régi par l'échange, où toute valeur est dans l'argent et tout pouvoir à celui qui le détient ; désir d'un cinéma lucide, aux prises avec le monde et en prise directe avec la réalité, désir d'un cinéma qui excède le monde.


DU DON AU DEAL

  Sauvage Innocence (c) D.R.

Garrel n'a certes pas l'innocence de découvrir comme pour la première fois les lois du mar-ché, il a en revanche l'innocence (sauvage) de les redécouvrir et de les montrer sous un nouveau jour : l'échange conçu comme un deal.


Economie du désir


Dans la première scène du film, François se trouve dans l'appartement du fils de la défunte. Celui-ci a préparé à son intention une valise remplie d'affaires ayant appartenues à sa mère : il fait don à François de ce qui l'intéresse - lettres, photos et poèmes. François lui fait ensuite part des problèmes qu'il rencontre pour financer son prochain film et son ami lui donne le numéro de téléphone d'une personne (Chas, cf. plus bas) qui avait connu sa mère, et qui serait susceptible de l'aider. Ce qui était un don de la part du jeune homme, François le transforme en un marché : il propose à son ami quelques billets. Ce réflexe de François va le poursuivre jusqu'à la fin du film. Il ne comprend pas que ce qu'il a reçu comme un don excède de toute part ce qu'il pourrait donner en échange, que le seul don à la mesure de celui qu'il vient de recevoir tient dans son projet de film. La valeur des photos de la défunte, de ses mots, de ses écrits, … excède absolument la valeur de l'argent, elle est en re-vanche équivalente au film sur la défunte que prépare François.
C'est le tragique double de Sauvage Innocence : pour réaliser son film, pour réaliser son désir de cinéma, François doit passer d'une économie du désir, où l'argent n'a pas cours, à une économie de marché, où l'argent est le passage obligé, la médiation nécessaire. Cette contradiction entre la gratui-té du désir et le coût de sa réalisation (le difficile principe de réalité) est la fatalité qui pèse sur François.