SYNOPSIS : Sauvage
innocence raconte l'histoire d'un film à faire :
étape par étape, nous suivons François
(Medhi Belhaj Kacem) présenter son scénario
à des producteurs, chercher l'actrice pour le rôle
principal (Lucie, jouée par Julia Faure), s'entourer
d'une équipe, repérer les sites de tournage
en Belgique et en Hollande et enfin se mettre à l'uvre.
Film dans le film, le Sauvage Innocence de François
dialogue avec le Sauvage Innocence de Garrel. François
revendique, naïvement, la thèse de son film, qu'il
veut être contre la drogue, mais c'est grâce
à l'argent de la drogue et sous l'emprise de
la drogue que le film avancera vers son terme. François
fait aussi son film pour une femme aimée, tuée
par overdose d'héroïne : il retrace sa vie, comme
pour la ressusciter et la sauver ; mais, de la même
façon contradictoire, c'est aux dépens
de Lucie (Julia Faure), l'actrice et l'amante de François,
que cette volonté salvatrice ira de l'avant. Ce jeu
de contradictions permet à Garrel, moins naïf
que François, de montrer ce que son héros
voulait démontrer, et, moins mélancolique
que François, d'exorciser un amour mortifère
qui hante son héros.
|
....................................................................
|
DEPENDANCE
ET POSSESSION
Film à thèse et chant
du cygne, Sauvage Innocence est surtout animé
par un désir de révolte : révolte
face à un monde (notre monde) régi par l'échange,
où toute valeur est dans l'argent et tout pouvoir à
celui qui le détient ; désir d'un
cinéma lucide, aux prises avec le monde et en prise directe
avec la réalité, désir d'un cinéma
qui excède le monde.
DU DON AU DEAL
Garrel n'a certes pas l'innocence de découvrir
comme pour la première fois les lois du mar-ché,
il a en revanche l'innocence (sauvage) de les redécouvrir
et de les montrer sous un nouveau jour : l'échange
conçu comme un deal.
Economie du désir
Dans la première scène du film,
François se trouve dans l'appartement du fils de
la défunte. Celui-ci a préparé à
son intention une valise remplie d'affaires ayant appartenues
à sa mère : il fait don à
François de ce qui l'intéresse - lettres,
photos et poèmes. François lui fait ensuite
part des problèmes qu'il rencontre pour financer
son prochain film et son ami lui donne le numéro
de téléphone d'une personne (Chas, cf. plus
bas) qui avait connu sa mère, et qui serait susceptible
de l'aider. Ce qui était un don de la part du jeune
homme, François le transforme en un marché :
il propose à son ami quelques billets. Ce réflexe
de François va le poursuivre jusqu'à la fin
du film. Il ne comprend pas que ce qu'il a reçu comme
un don excède de toute part ce qu'il pourrait
donner en échange, que le seul don à
la mesure de celui qu'il vient de recevoir tient dans son
projet de film. La valeur des photos de la défunte,
de ses mots, de ses écrits,
excède
absolument la valeur de l'argent, elle est en re-vanche
équivalente au film sur la défunte que prépare
François.
C'est le tragique double de Sauvage Innocence :
pour réaliser son film, pour réaliser son
désir de cinéma, François doit passer
d'une économie du désir, où
l'argent n'a pas cours, à une économie
de marché, où l'argent est le passage
obligé, la médiation nécessaire. Cette
contradiction entre la gratui-té du désir
et le coût de sa réalisation (le difficile
principe de réalité) est la fatalité
qui pèse sur François.
|