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UNE AUTRE NOTION D'AUTEUR
De sorte que le cinéma est
un art si vaste que seuls
les auteurs l’explorent
Par Nicolas CHEMIN


" Le but des cinéastes-artistes est de produire un monde à partir d'un Principe premier clairement édicté plutôt que de regarder le monde réel, quitte à l'organiser autour d'un point de vue, position classique du cinéma d'auteur ".

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Cette distinction, faite par Stéphane Bouquet (« De sorte que tout communique », Cahiers du cinéma n°528, septembre 1998) et qui mérite d'être nuancée, entérine un clivage qui prend sa source aux origines mêmes de l'art. Il semble qu'il y ait toujours eu deux pôles d'expression : le littéraire et le pictural. Si cette opposition n'est pas si simple, il n'en demeure pas moins que le cinéma fait état de ces grandes tendances. D'un côté, les cinéastes picturaux semblent considérer chaque plan comme une signature, créer un univers qui leur est propre sans souci de réflexion : ils cherchent à donner la sensation plutôt que le sens ; ou mieux, ils se passent du sens (Lynch, dans Lost Highway, s'applique à brouiller les pistes pour affranchir son monde de toute logique...). De l'autre, les cinéastes littéraires effectuent un travail qui s'apparente à celui de l'écrivain, au sens où leur approche du cinéma utilise un code linguistique, presque un langage imagé, pour créer du sens plutôt que de la sensation. Les uns donnent à voir, les autres à comprendre.

Pour y voir clair, mieux vaut poser les bases théoriques qui font la dichotomie de l'art. Pour l'appliquer ensuite à des cinéastes, résolument modernes, afin de comprendre leurs trajectoires respectives [leurs sensibilités même, littéraire et picturale]. Autant d'éléments de réflexion qui permettent d'appréhender l'évolution de la notion d'auteur, éventuellement d'en extraire et d'en proposer une conception personnelle. Choix arbitraires, les œuvres de cinéastes aussi divers que Lynch, Rohmer, Egoyan ou Marker fournissent une matière indispensable pour répondre à cette interrogation majeure : l'auteur moderne véritable n'est-il pas, finalement, celui qui s'efforce d'allier les deux trajectoires du cinéma, dans une œuvre cohérente et riche, plastiquement tant que poétiquement (au sens aristotélicien du terme) ? De sorte que le cinéma serait un art si vaste que seuls les auteurs l’exploreraient.

ARTS PICTURAUX, ARTS CODAUX, ART SYNTHÉTIQUE

Objectif Cinéma (c) D.R.

La théorie de l'art a très souvent mis en valeur la dichotomie évidente qui existe entre les arts "de l'écrit" et les arts "de l'image". Tous les arts s'inscrivent dans ces deux courants : littérature, théâtre, musique et poésie pour les arts écrits, peinture et sculpture pour les arts plastiques. Les uns se matérialisent par le code (linguistique ou musical, lettres ou notes...) tandis que les autres n'existent que par la matière, le tactile.

Dans cette classification, la notion déterminante paraît être le temps [et le mouvement, qui en découle]. De fait, les arts qui s'inscrivent dans la durée (roman, théâtre, musique) s'opposent aux arts de l'instant (sculpture et peinture) qui semblent ne rendre compte que d'un temps figé. La notion de temps implique en outre la notion de code : sur la durée, l'art doit s'organiser. S'il s'agence en syntagmes, il faut les agencer entre eux ; puis agencer encore les subdivisions jusqu'à la plus petite unité qui constitue le code [le photogramme pour le cinéma]. Qu'il s'agisse de notes ou de lettres, les arts « codaux » se démarquent donc des autres arts par la multiplication de leur unité de base, que seul le temps permet (au cinéma s'y ajoute le mouvement, seconde notion discriminante).