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Une classification sommaire
qui accuse bien sûr ses limites, dès lors qu'arts « codaux »
et picturaux s'interpénètrent de façon plus ambiguë. La poésie,
à cet égard, bien qu'étant un art « codal » de par
sa forme écrite ou parlée se révèle très proche de l'art pictural.
Elle en est même la manifestation poétique (au sens premier),
puisqu'elle se décline d'avantage sur le mode du fantasme,
et donc de l'image, que sur celui de la réflexion, de la raison.
La poésie n'a donc de poétique que sa forme concrète et dépeint
l'état d'âme avant d'exprimer la pensée. Au même
titre, la musique est entièrement vouée à la sensation. Participant
d'une écriture qui la fait accéder aux structures poétiques,
à l'art réfléchi [dans tous les sens du terme], elle n'en
demeure pas moins une dimension non aboutie du figuratif :
à l'instar la poésie, elle provoque l'image mentale. À l’inverse,
les arts picturaux comme peinture et sculpture tendent à la
poétique lorsqu'elles s'organisent entre elles (diptyques...)
ou à l'intérieur même d'une seule (la fresque n'est-elle pas
l'expression primitive du temps dans l'art ?). De sorte que
les arts plastiques peuvent engendrer, en leur sein même,
des résonances thématiques ou réseaux synoptiques propres
à la poétique et contenir une réflexion heuristiquement dévolue
aux arts « codaux ». La réflexion manifeste et ostensible,
celle qui appartient à l'auteur d'une œuvre existe donc, à
moindre échelle, dans ces arts plastiques qui demeurent plus
enclins à susciter la réflexion du spectateur qu'à en fournir
une eux-mêmes : l'objet s'avère parfois sujet.
Si cette dichotomie arts
« codaux-picturaux » existe bel et bien, elle requiert
donc d'être nuancée. Elle est cependant la base d'une distinction
entre les deux pôles majeurs du cinéma qui, synthèse des arts
classiques, les réunit forcément. Käte Hamburger (Logiques
des genres littéraires) insiste sur l'ancrage du septième
art dans la poétique. Il s'inscrit selon elle dans les formes
et les régimes littéraires (épique et dramatique, puis leurs
variantes) pour organiser sa narration. Cependant, on ne peut
écarter le cinéma du continent iconique. Le cinéma, c'est
avant tout de la photographie, fixité analogue à la peinture.
En anglais, l'expression "movie pictures"
illustre la dimension synthétique du cinéma : mouvement et
image. Le cinéma est donc l'art poético-pictural par excellence,
et demeure en ce sens le plus apte (surpassant le théâtre)
" à reproduire la fiction de la vie humaine ".
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Mais il est bien rare de
rencontrer un cinéaste si complet qu'il n'est pas plus sensible
à une trajectoire qu'à l'autre. Certains s'attachent à soigner
les formes filmiques lorsque d'autres préfèrent exposer un
point de vue. Concrétisons : quelques cas de figures pour
tenter de réunir les éléments de réflexion nécessaires à l'argumentation
d'une autre notion de l'auteur en cinéma.
Tous les cinéastes ne conçoivent
pas leur art de la même façon. Selon leurs sensibilités, ils
deviennent des ciné-artistes ou des ciné-écrivains. Terminologie
personnelle qui sépare les cinéastes picturaux des cinéastes
poétiques. Se référant à leurs optiques majeures, elle n'exclut
pas la nuance : si Cronenberg ou Lynch sont par essence des
ciné-artistes, il n'en demeure pas moins que leurs oeuvres
s'inscrivent dans un cadre fictionnel et requièrent par-là
même l'élément le plus basique de la poétique, à savoir la
dramaturgie. Il en est de même lorsque Rohmer, archétype le
moins pictural des ciné-écrivains filme la nature : dans Le
genou de Claire, l'image est belle, même si elle l'est
par elle-même, de nature...
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