Les films s'y inscrivent
dans des canevas narratifs, les thèmes dans des grilles de
lecture et le cinéma s'offre tout entier aux codes signalétiques
des genres (dominance du film d'action, émergence du thriller
psychologique, résurgence du film d'horreur...). La division
technique prend dans ce cas la place de la démarche artistique,
et le réalisateur n'est qu'une pièce sur l'échiquier, au même
titre que le scénariste et la costumière. Bien souvent, ces
films sont très corrects, jamais originaux car fondés sur
le poncif, et doivent leur efficacité au déploiement de moyens.
Ici, l'objet cinéma n'est plus art mais industrie: élargir
la cible augmente les chances de la toucher.
Parmi la foule de techniciens
que réunit le film de genre, certains talents dynamitent pourtant
les codes et parviennent à créer de nouvelles formes filmiques.
Ces "petits maîtres" atteignent une maîtrise complète
de leur genre et leur trajectoire le renouvelle. Carpenter
pour le film fantastique, MacTiernan pour le film d'action
ou John Dahl pour le film noir sont autant de réalisateurs
qui lorgnent les sommets de l'efficacité et maximisent la
qualité (fluidité, reconnaissance, intertextualité...). Sans
doute même font-ils un pas vers l'art, par l'expérimentation,
lorsque, dans le genre, ils insèrent l'anti-genre : le dynamitage
des codes, engendré par la contrainte de travailler dans un
cadre répétitif [base du cinéma industriel], en livre la critique
intrinsèque. Leone (western, Il était une fois dans l'Ouest),
Craven (horreur, Scream) ou Tarantino (gangsters, Pulp
fiction) offrent une distanciation du film par rapport
à son genre et tendent vers l'art, si malignement agaçants
soient-ils parfois Le cinéma de genre, conditionné par la
nécessité du récit [autre base et premier pôle de séduction
du cinéma industriel] possède donc en son sein une visée divergente
au cinéma d'art, et s'inscrit dans la répétition, avec plus
ou moins de variantes, et non dans la démarcation que les
auteurs affectionnent.
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L'art participe ainsi d'une
distinction essentielle entre pictural et poétique, dont le
cinéma fait la synthèse. Cependant, selon leurs sensibilités
artistiques, les cinéastes peuvent épouser l'une ou l'autre
des trajectoires. Leurs visées d'originalité en font alors
des ciné-artistes ou des ciné-écrivains. Ce sont ces velléités
qui différencient les cinéastes des réalisateurs qui se contentent
de réaliser le scénario (illustrer un canevas, la double sémantique
prend ici tout son sens). Cette catégorie des faiseurs constitue
la majeure patrie de l'industrie cinématographique et dépend
le plus souvent d'un déploiement de moyens pour une pléthore
de produits banals, sériels.
La volonté artistique qui
caractérise les cinéastes se traduit dès lors sur deux plans
[l'image et la poétique] et rares sont les cinéastes qui traitent
réellement la globalité du cinéma : ceux qui tentent cette
exploration bilatérale pourraient constituer de vrais auteurs.
Nuançons tout de même : pour autant, ils ne sont pas forcément
de bons cinéastes, et la qualité est indépendante de la visée.
Des ciné-artistes peuvent encore s'intéresser (à moins grande
échelle, cela va de soi) à la poétique du film comme des ciné-écrivains
à la picturalité... De même, il ne s'agit pas ici d'encenser
le cinéma d'art et essai en dévalorisant le cinéma de genre.
Car si certains réalisateurs hollywoodiens ont pu montrer
un réel potentiel artistique, on a souvent jugé des sots en
auteur... De ce fait, un produit raté par le haut vaut-il
réellement mieux qu'un énième produit standardisé ? Faut-il
vouloir être un auteur ou savoir être un faiseur ? Les valeurs
de l'un et de l'autre ne sont pas comparables puisque leurs
visées diffèrent. Concilier divertissement et réflexion pourrait
d'ailleurs être le postulat d'une autre conception de la notion
d'auteur.
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