Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
  Objectif Cinéma (c) D.R.

Dans ce cinéma-somme s'entrecroisent alors les deux manières précitées d'appréhender la connaissance du monde : donner à réfléchir et réfléchir pour donner. Les oeuvres d'Egoyan, par exemple, bien que discursive [figure de l'exil, recherche de l'identité, notamment dans Family viewing et Calendar demeurent des blocs hermétiques, moteurs de réflexion. Le parti-pris esthétique (en l'occurrence les réduplications par utilisation de la vidéo) ne parle pas en lui-même, mais balise un chemin qui mène à la réflexion ; propre à Egoyan d'abord [son identité, son histoire]; propre au spectateur, qui en vient à se questionner [mon identité, mon histoire]. L'auteur demande au spectateur sa participation. Les deux démarches s'entrelacent ici : la vision brute amène au point de vue. Marker répond encore à cette définition de l'auteur. Dans Level five, une mosaïque totalement hermétique basée sur l'utilisation systématique de l'image muséale (archive, synthèse...), il met le spectateur devant un obstacle [littéralement, un mur d'images] pour l'amener à questionner l’œuvre. La démarche spectatorielle s'achève encore par la mise en relief du point de vue markerien (forger la mémoire humaine sur l'image muséale entraîne la mort de la mémoire...).

La richesse cinématographique ne viendrait donc pas de l'expression discursive ou de l'expression maïeutique (au sens où elle accouche l'esprit, sans le questionner manifestement) mais d'une forme hybride, qui ferait converger ces deux voies vers un même point, centre névralgique du cinéma d'auteur.

FAISEURS ET PETITS MAÎTRES

Objectif Cinéma (c) D.R.

Le statut d'auteur n'est évidemment prêté qu'à ceux qui proposent une ambition artistique. La majorité de la production filmique n'y tend pas. Les cinéastes se distinguent alors des réalisateurs par ce qu'ils ont un univers propre, reconnaissable sans signature (l'univers constituant justement cette signature...), par ce qu'ils sont sans cesse en recherche d'expérimentation pour se confronter à cet univers. Ce qui engendre la constitution d'une œuvre, striée de réseaux synoptiques entre des thèmes récurrents. Ce qui les écarte ontologiquement de la mise en scène blanche et générique qui caractérise les réalisateurs, simples techniciens souvent interchangeables. L'originalité est symptôme premier du cinéaste comme l'académisme, au sens le plus péjoratif et sclérosé du terme, l'est du réalisateur.

Le système de production cinématographique porte en son organisation un clivage incontournable : les studios ne peuvent faire sans garantie de rentabilité. Il ne s'agit pas ici de schématiser les rapports entre indépendants et majors et de nier toute possibilité de qualité cinématographique à Hollywood ou chez Gaumont. Etre un auteur ne veut pas dire réussir du bon cinéma (mais tenter...) tout comme travailler dans le carcan des studios ne signifie pas être un simple faiseur. Depuis toujours, les majors ont regorgé de talents (Griffith, Welles, Lang, Scorsese, De Palma, Hitchcock...) qui se sont exprimés au travers d'un prisme du système. Demeurent cependant, dans le cinéma de genre essentiellement, nombre de réalisateurs qui ne conçoivent pas de démarche artistique pour le cinéma, mais simplement une notion d'efficacité filmique. Cela s'est traduit à l'âge d'or par une esthétique de la transparence qui trouve en notre temps, même anonymement, son apogée.