Impossible, donc, de souscrire à
la réconciliation sur le dos de la vérité,
telle est la position à laquelle Rafi, le jeune Arménien
– l’héritier – est en quelque sorte obligé,
alors même que la vérité se trouve si
faible devant l’impératif de réconciliation,
celle-là, à la différence de celui-ci,
n’étant soutenue par aucune loi. Mais peut-être
que derrière son arménienne Antigone Egoyan
sent bien que la seule réconciliation, soutenue par
la logique des intérêts, ne ferait que recouvrir
la guerre latente, comme dans cette amère pensée
de Pascal constatant : " on a voulu faire
servir la concupiscence au bien commun ; mais au fond
ce n’est que haine ".
Lorsque Vosdanig Adoian vint en Amérique, survivant
du génocide et témoin des massacres alors
qu’il avait 8 ans, il voulut se créer une vie nouvelle :
il prit le nom d’Arshile Gorky – accolant un prénom
arménien au nom du plus célèbre écrivain
russe d’alors. Il conçut une œuvre importante dans
l’histoire de la peinture. Mais cette volonté de
se projeter intégralement et à nouveaux frais,
dans l’avenir, ne suffit pas à le sauver : il
se donna la mort en 1934. Cette histoire-là invalide
d’avance les espérances de ceux qui croient qu’en
se ménageant paix, bien-être et beauté
pour l’avenir, on en est quitte avec ce qui eut lieu. Dans
Ararat, elle vient porter témoignage contre
la proposition séduisante que soumet le Turc réconciliateur
à l’intraitable Arménien.
Film intégralement politique,
Ararat expose certes en lui-même la signification
de son tournage et de sa réception. Par conséquent,
on ne saurait ignorer le fait que la possibilité
même d’un tel film s’articule sur des conditions neuves,
qui contribuent précisément à en faire
un acte politique. En particulier, le mouvement international
de reconnaissance du génocide arménien, initié
en 2001 par le parlement français puis par d’autres
encore, a ouvert un espace de discours sur le génocide,
dont le film d’Egoyan est un important jalon. Et, replacé
dans une telle dynamique de reconnaissance légitime,
ce film, alors même qu’il prend acte d’une inconciliabilité
éthique, peut apparaître comme l’itinéraire
d’une certaine réconciliation possible pour la mémoire
arménienne – conciliation avant tout avec soi-même.
Atom Egoyan : Né le 19 juillet
1960 au Caire (Egypte) mais de nationalité
canadienne. Il étudié à l'Université
de Toronto puis a commencé sa carrière
au Théâtre. Récemment il a
monté Salomé (1996), Dr.
Ox's Experiment (1998) et à écrit
le livret d'un nouvel opéra Elsewhereless
(1999).
2001Ararat 1997The Sweet Hereafter 1995 A Portrait of
Arshile (CM) 1994 Exotica 1993Calendar 1992Gross Misconduct 1991The Adjuster 1989Speaking Parts 1987Family Viewing 1984Next of Kin 1982Open House
(CM) 1981Peep Show
(CM) 1979Howard in Particular
(CM) 1979Sarabande
(CM)