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Being John Malkovich (c) D.R. BEING JOHN MALKOVICH
de Spike Jonze
Par Gilles LYON-CAEN



SYNOPSIS : Craig Schwartz est marionnettiste de rue, mais ne parvient pas a vivre de son art. Lotte, son épouse, s’intéresse beaucoup plus a ses animaux qu'a lui. Devant leurs difficultés financières, le jeune homme trouve un emploi au septième étage du building de l'entreprise Lester. En classant des dossiers, Craig découvre une porte dérobée et l'emprunte. Celle-ci le conduit pour quinze minutes a l’intérieur de John Malkovich. Cette prodigieuse découverte va lui permettre de changer de vie.

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" L’ART DIT TOUJOURS LA VERITE, MEME QUAND IL MENT "

  Being John Malkovich (c) D.R.
Au début de Being John Malkovich, on assiste à la mise en scène d'un rêve, dont le cadre est le workshop, l'atelier du marionnettiste Craig Schwartz. La passion d'être autre, la volonté d'être dans le corps de l'autre et de penser " autrement ", tel est le rêve en question. Il s'agit ici d'une définition de l'idéal du métier de marionnettiste. L'éclairage du visage traduit la nature sentimentale de la scène, sa complète mise à nu. Eclairage des affects également dans cette mise à nu passionnelle, une épure de la rencontre amoureuse commune par essence à la structure du rêve. " Craig, tu nes pas mon genre d'homme ", phrase qui vient couper et mettre fin au rêve, clarifie le métier de marionnettiste : créer du rêve, recréer son fantasme et le comprendre par la fiction. Le rendre réel en prolongeant un moment vécu mais déjà terminé. La création est ici un prolongement d'un moment passé et inabouti : le lieu d'une catharsis autant amoureuse que personnelle. L'art des marionnettes sert de mise en abyme du réel. La mise en chantier du rêve (rêve en chantier car nécessitant une préparation) est la doublure du réel. Elle révèle le questionnement existentiel et artistique de Craig et lui donne vie par le songe. Cette structure révèle à l'artiste ce qui l'anime en profondeur. Elle équivaut aussi bien à une catharsis qu'à une révélation. Pour l'artiste, l'autre est un corps à investir. Un être à découvrir, à aimer en en prenant possession. On y lit une métaphore obligée du discours amoureux, où l'autre est objet. Mais pour une usurpation, un détournement de l'autre au cours du travail de Craig : l'autre semble moins un être à découvrir qu'un corps à prendre, quitte à devenir consciemment, pour l'autre, le lieu d'une invasion : " tu veux être dans ma peau ? "

Being John Malkovich (c) D.R.
Being John Malkovich ne cesse de transcender l'art dans la vie. Le film crée par des effets de miroir rayé, souterrains, vaisseaux, tissus parallèles, sa propre relation de mimétisme. En dévoilant un art qui imite la réalité et dont la finitude de l'artiste réside dans le rêve. La quête artistique est quête de l'autre. Le lieu de l'art n'est pas un atelier, mais Maxine, son corps, sa peau. Le rêve n'est qu'une passerelle dans le processus artistique, Maxine en est donc l'accomplissement. On songe au mot du photographe Walker Evans, qui s'applique ici à la même " copulation héroïque avec le monde matériel ", unissant le photographe à l'objet, l'artiste à la muse. Les marionnettes seraient un pur medium (à des fins sexuels), des figurines " savantes, définitives, transcendantes. "