Le réalisateur mexicain
s’attarde en effet sur une dimension charnelle des rapports
humains. Pour lui, le corps est à la base de toute
relation, la chair renferme une sensualité et une violence
proches de l’animalité. A chaque plan, l’affrontement
semble imminent, la lutte prête à se déclencher.
Dans certaines scènes, tout finit par exploser, mais
c’est le film entier qui se construit sur une tension physique,
et non pas psychologique comme dans la majorité des
films européens. La haine quasi permanente qui règne
entre les personnages consacre une opposition générale
des corps décrits comme des ennemis naturels.
Alors que les personnages
de Les Autres étaient froids, figés,
fixés dans un cadre extrêmement rigide (il suffit
de se rappeler les tenues hyper strictes de l’héroïne
interprétée par Nicole Kidman), ceux de L’échine
du diable sont des concentrés de chaleur,
des volcans en ébullition. Ils respirent la vie, ils
soufflent la mort. Dans Les Autres, la chair est chaste,
les scènes d’amour elliptiques. Dans L’échine
du diable, les corps sont brûlants, le désir
omniprésent.
Jacinto est le plus bel exemple de
cette ardente sensualité. Il veut être le mâle
dominant, le roi de la basse-cour. Il est fiancé avec
une jolie femme de ménage, mais cela ne lui suffit
pas. Certaines nuits, il rend visite à la directrice
de la pension, femme mûre amputée d’une jambe,
uniquement pour prouver la puissance de sa beauté et
de sa jeunesse. Face au vieux professeur impuissant qui conte
fleurette à son amour de directrice à l’aide
de poèmes romantiques, Jacinto oppose sa vitalité
de jeune adulte, sa sexualité triomphante.
Du sang, de la sueur
et du sexe : voilà le triptyque très churchillien
qui, selon Guillermo del Toro, résume l’humanité.
Mais à charge pour chaque individu de maîtriser
ses pulsions désirs, de contrôler ses désirs,
pour ne pas devenir soi-même un animal. Jacinto n’y
parviendra pas et finira comme une misérable bête,
comme une vulgaire pièce de gibier. Traqué par
une meute de jeunes chiens (les jeunes pensionnaires rassemblés
par une même haine), transpercé de part en part,
saigné à blanc, il ne ressemble plus à
un être humain, mais à un sanglier victime d’une
chasse à courre. En somme, quelle que soit la force
de l’animal, l’humanité regroupée sera toujours
victorieuse. Joli message, doux rêve. Au-delà
des murs de la pension, la bête immonde a remporté
une nouvelle victoire : les républicains viennent
de perdre la guerre.
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Alejandro Amenabar
2001
Les Autres / The Others avec Nicole Kidman,
Elaine Cassidy
1998 Ouvre les yeux
/ Abre los ojos avec Penélope Cruz, Eduardo
Noriega
1996 Tesis avec
Ana Torrent, Fele Martinez
Guillermo
Del Toro
2002
Blade II avec Wesley Snipes, Kris Kristofferson
2002 Hellboy
avec Ron Perlman
2001 L'Echine du
diable avec Junio Valverde, Eduardo Noriega
1997 Mimic avec
Mira Sorvino, Jeremy Northam
1993 Cronos avec
Federico Luppi, Ron Perlman
1992 Les Montagnes
hallucinées / At the Mountains of Madness
1991 Sleepless Knights
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