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L'Echine du diable (c) D.R.
Cette tension latente sur laquelle s’appuient les deux réalisateurs prend racine dans un passé soigneusement tenu secret, dont les réminiscences ectoplasmiques contraignent à une résurgence inévitable. Chaque film possède en effet son fantôme dans le placard. Pour L’échine du diable, c’est la disparition subite d’un des petits pensionnaires qui fait mystère. Pour Les Autres, c’est la fuite soudaine des domestiques et le comportement suspect de la mater familias qui pose le suspense.

La mort règne dans d’oppressants huis clos domestiques, mais elle sévit également au dehors. L’échine du diable se déroule en pleine Guerre d’Espagne, Les Autres juste après la Première sauterie mondiale. A l’extérieur, le monde est donc lui aussi rempli de spectres.

Petit à petit, L’échine du diable se démarque pourtant du film d’Amenabar. Une fois la première demi-heure passée, le côté fantastique s’estompe pour laisser place à une véritable étude de mœurs, une analyse profonde des rapports humains. La silhouette translucide d’un fantôme juvénile apparaît bien dans plusieurs scènes, mais elle n’est qu’un élément du scénario, partie intégrante mais non essentielle de la réflexion du réalisateur. Guillermo del Toro cherche visiblement à mettre en image une approche thématique plus complexe qu’une simple variation sur les poltergeists.

Bien sûr, certaines scènes sont violentes, et à une ou deux reprises, l’hémoglobine coule à flots. Mais la facture générale du film reste on ne peut plus classique, et n’a absolument rien de comparable avec le style des productions d’épouvante de ces dernières années, dont Les Autres est l’un des meilleurs représentants.

  Les Autres (c) D.R.
L’échine du diable n’est pas un film particulièrement effrayant. Il ne donne pas vraiment la frousse, juste parfois quelques frissons. Or un film d’horreur - car c’est bien comme cela qu’il a été présenté dans un premier temps - qui ne fait pas peur, c’est un peu comme une comédie qui ne fait pas rire, un film porno qui ne fait pas bander : ce n’est pas très réussi. Classer le film de Guillermo del Toro dans la catégorie des productions ratées devrait être la suite logique du raisonnement, mais ce serait passé à côté de la véritable nature du film.

Certes toute la promotion de L’échine du diable s’est appuyée sur son supposé aspect horrifique. Le prix de la critique obtenu au festival de Gérardmer, rendez-vous annuel du film fantastique, a été largement mis en valeur dans la campagne de promotion, en particulier sur l’affiche. La bande-annonce insistait aussi fortement sur la présence d’un fantôme pour attirer des spectateurs particulièrement friands d’histoires de revenants. Injecter L’échine du diable dans la même veine que Les Autres  facilitait grandement le travail des distributeurs et leur laissait entrevoir de substantiels bénéfices. Ah ! Ce satané marketing qui aplanit les reliefs d’une œuvre pour mieux la ranger dans un tiroir thématique! L’échine du diable, une vulgaire copie du film d’Amenabar ? Pas du tout !

Amours chiennes (c) D.R.
Loin de faire du plagiat, Guillermo del Toro filme d’une manière très personnelle et très différente de celle mise en œuvre dans Les Autres, et plus largement dans les films ibériques actuels. La présence au générique des frères Almodovar aux postes de producteurs, de Marisa Paredès (égérie de Don Pedro) et d’Eduardo Noriega (star en Espagne notamment depuis le remarquable Ouvre les yeux, le deuxième film d’Alessandro Amenabar) pouvait placer L’échine du diable dans la riche lignée du cinéma espagnol contemporain. Mais cela tient plus de la coïncidence pratique que d’une réelle volonté artistique. Au départ, le réalisateur mexicain voulait tourner L’échine du diable dans son pays natal, comme ce fut le cas de Cronos. Afin de résoudre des problèmes de production, il a finalement dû se rabattre sur l’Espagne.

Malgré ce déplacement géographique, Guillermo del Toro n’abandonne pas tout à fait son projet initial. Il donne à son film une véritable couleur sud-américaine, proche des quelques productions venant du Mexique (comme l’impressionnant Amours chiennes d’Alejandro Gonzalez Immarritu) ou d’Argentine (comme le surprenant La Cienaga de Lucrecia Martel) que les spectateurs français ont pu découvrir récemment.