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Jacques Tati (c) D.R.

Cachez tout, vous en verrez plus – et mieux. C’est le monde à l’envers, mais c’est de la haute voltige. Toutefois, s’il pratique avec jubilation cette technique de dissimulation, Tati, bon prince, s’efforce d’offrir à son spectateur/partenaire des conditions de visibilité optimales. Ainsi du choix du 70mm, dont le piqué, parfait, permet de rendre compte du moindre détail. De même, le cinéaste – qu’on y songe ! – va jusqu’à ralentir le déplacement des éléments de l’arrière-plan, pour qu’ils soient correctement perçus, pour que rien (si possible, mais justement ça ne l’est pas) n’échappe à l’œil. Ou bien prépare ses gags plusieurs plans en amont, renforçant l’idée d’un film en réseau : vers la fin du film, un enfant esquive la gifle de son papa en rentrant la tête dans son étrange manteau rigide. Or, quelques minutes auparavant, dans la scène du drugstore, on apercevait au fond du plan une vitrine, de l’autre côté de la rue, où un enfant enfilait un tel manteau.

Ce qui importe le plus dans cette démarche, c’est l’appel du pied fait au spectateur, sommé de participer au film, de s’y investir, s’il veut en goûter toute la richesse. D’où une nécessaire éducation du regard. Ce n’est plus le gag/signe qui vient à l’œil, mais l’œil qui doit le révéler ; littéralement, le spectateur doit le faire naître, et naître avec comme spectateur. Cette co-naissance – libératrice – est l’un des grands sujets de Playtime. Tati renoue ainsi avec la vieille analogie entre regard et connaissance : l’œil comme point d’origine d’un faisceau qui, partant du sujet vers l’objet, les constitue tous les deux et s’impose comme expérience primitive, décisive. Mieux, il s’agit pour le spectateur (un mot bien faible tout à coup) de constituer une phénoménologie du regard où intervient l’idée d’intentionnalité : il doit orienter son faisceau pour voir tel ou tel gag, révélant au passage quelque chose de sa personnalité, puisque rien n’est choisi au hasard.


GAGOPHONIE

  Playtime (c) D.R.

Quand Hulot sort de l’agence de voyages, un homme se baisse pour fermer une porte. L’angle de la caméra est tel que les poignées de la porte transparente le font ressembler à un cervidé en costume gris. Ce gag admirable, entièrement construit par le regard, n’est possible que grâce à l’implication du spectateur. Sans lui, il n’existe pas. Pas plus que n’existe Playtime sans quelqu’un pour le regarder et l’écouter. Tati n’est que le co-réalisateur de son film. Le spectateur est son associé. A lui de voir et de revoir le film pour le faire vivre. Même s’il n’est pas né celui qui pourra isoler chaque note de la symphonie gagophonique de Playtime.




Christophe Le Cronc
 : une étude du film Playtime de Jacques Tati




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1974
Parade
1971 Trafic
1967 Playtime
1958 Mon oncle
1953 Les Vacances de Monsieur Hulot
1949 Jour de fête