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  Leçons de vie (c) D.R.
Quelque part entre Penser / classer de Georges Perec et les installations " mémoratives " de Christian Boltanski, Boris Lehman pratique en forme de donation pure et simple l’art d’un être-ensemble dont le présent du " Je me souviens " signe l’indéfectible promesse, sans finitude ni interruption permise tant qu’il y aura des femmes et des hommes pour faire de la mémoire le lieu vivant d’un collectif ne sachant ni dissoudre ni surexposer le sujet, d’un " Je me souviendrai " à venir. Contre l’autre promesse, paralysante celle-ci, et consignée par la photographie, celle de notre mort à venir. Contre les effets institutionnalisés d’amnésie ou de paramnésie produits massivement et continûment par les médias et les politiques de confiscation administrative (les archives introuvables), de réification silencieuse (les monuments) et de tintamarre annuel (les commémorations) d’une histoire murée qui ne doit pas finir par être le seul champ pratique des experts et des spécialistes (2). Contre enfin les obscurs promoteurs de la révision et de la négation idéologiques de la mémoire (Garaudy, Faurisson) comme de " la fin de l’histoire " moins hégélienne que néo-libérale (Fukuyama).

" C’est la communauté elle-même qui est, rigoureusement parlant, le concept de la possibilité même d’un sujet de " se " subjectiver (…), [qui est] la représentation que se font les singuliers d’eux-mêmes (…) clivés par leurs auto-désignations. Toute violence, politique ou autre, s’origine dans les confusions entretenues sur cette violence première [celle de l’exercice communautaire] " (Mehdi Belhaj Kacem, De la Communauté virtuelle, Sens & Tonka, 2002, p. 11 et 15).

Histoire de ma vie racontée par des photographies (c) D.R.

La photographie comme passe-temps, passeuse de temps, gain de temps (préciosité acquise du temps photographique contre sa morne banalisation sous forme de fétichisation technique ou d’obéissance aux normes sociales et familiales), temps de la désignation et de la violence ritualisée et initiatique de celle-ci, temps non de la fascination mais du discours. Tels de petits cailloux blancs posés dans l’existentielle forêt de notre (sur)modernité, ceux scintillants (la photographie comme balise) d’un itinéraire de vie, qui les vaut toutes et que toutes valent, et qui se confond avec son geste de cinéma. Le geste de celui qui veut (qui peut ?) tout connaître sauf sa propre fin. A jamais inachevable ce geste qui vise (et arrive) à substituer " l’être-pour-l’œuvre " (Babel, le chantier de toute sa vie) à " l’être-pour-la-mort " sur le modèle de Marcel Proust et de La Recherche. On imagine alors très bien le cinéaste commencer son œuvre en disant de sa voix si calme : " Longtemps j’ai photographié de bonne heure ".

Mais comme Boris Lehman le dit lui-même très bien dans Histoire de ma vie racontée par mes photographies (1994-2001) que la chaîne Arte a eu la bienheureuse idée de diffuser cet été 2002, s’il fait sans cesse des photographies, il n’en est pas moins photographe. Plutôt le plus grand cinéaste vivant en Belgique avec Chantal Akerman (et dont la judéité commune innerve au plus haut point tous leurs travaux (3)). Un Titan du Réel, un Atlas du Temps : le temps comme espace réel d’une parole abritée (le locus, le lieu) et d’un collectif réalisé (le rêve, forcément inavouable – Maurice Blanchot – d’une communauté au sens fort du terme), la croyance en un avenir retrouvé.



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Boris Lehman
  : site du réalisateur
Centre Pompidou  : Le tour de Boris Lehman en 80 bobines




1)
A la différence d’un Romain Goupil par exemple qui, grâce aux films réalisés en super 16 mm. par son père lorsqu’il était jeune, disposait pour le seul Mourir à trente ans en 1982 d’une mémoire " médiate " (volontaire comme dirait Walter Benjamin) afin de relire à l’aune de ce matériel la fin douloureuse d’une époque, Boris Lehman est l’auteur intégral depuis une bonne cinquantaine d’années, avant même d’avoir envie d’en faire une œuvre de cinéma, de ce type de mémoire-là.

2) Sur ce point, nous nous permettons de conseiller de voir ou de revoir Eloge de l’amour (2001) de Jean-Luc Godard comme de renvoyer au livre de Jacques Derrida Le Mal d’archive (Galilée, Paris, 1995).

3) " Ce qui serait le moins juif, le plus " non-juif ", le plus hétérogène à la judéité, ce ne serait pas un manquement au judaïsme, un éloignement (…) mais la non-croyance en l’avenir – c’est-à-dire en ce qui constitue la judéité (jewishness) au-delà de tout judaïsme. Au-delà des précautions et des conditions, il y a donc là une affirmation soustraite à toute discussion à venir, une affirmation inconditionnelle : le lien entre la judéité, sinon le judaïsme, et l’espérance dans le futur " (Jacques Derrida, opus cité, p. 117 et 118).




1963
La Clé du champ
1967 Histoire d'un déménagement
1968 Catalogue
1970 Le Centre et la Classe
1973 Ne pas Stagner
1974 Knokke Out
1974 Album 1
1978 Magnum Begynasium Bruxellense
1979 Symphonie
1983 Couple, Regards, Positions
1985 Portrait du peintre dans son atelier
1987 Muet comme une carpe
1987 Masque
1989 L'Homme de Terre
1990 A la recherche du lieu de ma naissance
1990 La Chute des Heures
1991 Babel / Lettre à mes amis restés en Belgique
1992 Tentatives de se décrire
1993 Je suis fier d'être Belge
1994 Leçon de vie
1994 Homme portant son film le plus lourd
1994 La Division de mon temps
1994 Un jour comme les autres
1994 Check-Up (Etat de Santé)
1995 Un Bruit qui rend sourd
1995 La Dernière scène
1996 Mes Entretiens filmés
1997 Mon voyage en Allemagne
1997 Mon voyage à Moscou
1998 L‘image, le monde
2000 A comme Adrienne
2000 Histoire de ma vie racontée par mes photographies
2000 Mes 7 lieux