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Christmas (c) D.R. R’X-MAS
d’Abel Ferrara
Par Violaine GIRARD et Saad CHAKALI


SYNOPSIS :
En 1993, à New York, un couple de jeunes et riches immigrés s'apprête à célébrer Noël. Elle est d'origine portoricaine, tandis que lui est d'origine dominicaine. S'ils ont réussi professionnellement, c'est grâce au métier à haut risque qu'ils exercent : ils sont trafiquants de drogue. Au cours d'un "rendez-vous d'affaire", pendant que la femme attend son mari dans la voiture, un grand noir violent et vulgaire frappe à la vitre, côté passager. Il lui montre des papiers d'identité qui s'avèrent être ceux de son mari. Celui-ci vient de se faire enlever. Le grand noir exige une énorme rançon. Bouleversée et ne sachant à quel saint se vouer, son épouse fait le tour des collègues et débiteurs de son mari. Mais c'est Noël, les gens sont absents.

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LA POUDRE AUX YEUX

" Ceux qui par la cessation intime de toute opération intellectuelle entrent en communion intime avec l’ineffable lumière … ne parlent de Dieu que par négation. " Denys l’Aéropagite, Noms divins, I, 5

  Christmas (c) D.R.
R’x-mas est un conte de noël, autant que pouvait l’être, il y a deux ans, même implicitement, Eyes wide shut de Kubrick. Et avec ces deux films, c’est une vision à la Dickens qui fait retour. Stefan Zweig l’avait bien dit : " Dickens reviendra toujours de son oubli, lorsque les hommes auront besoin de gaieté et lorsque, fatigués des tragiques tiraillements de la passion, ils voudront entendre, même dans les choses les plus effacées, la musique mystérieuse de la poésie ". Des films dickensiens (l’esprit et non la lettre : on ne parlera pas des adaptations souvent compassées de son œuvre) et précurseurs ? It’s a wonderful life de Capra, mais c’était après la deuxième guerre mondiale, Groundhog Day de Ramis, mais c’était il y a presque dix ans maintenant.

Si Kubrick puis Ferrara substituent à Londres, New York comme capitale de la douleur et de la farce capitalistes, ils ne perdent rien d’un traitement vigoureux, comme au bord de la comédie paranoïaque, d’un réel soumis aux plus extrêmes zones de turbulence fantastique induits par ce réel même, foncièrement malade (c’est le réalisme kubrickien sur le mode de l’imaginaire – son New York de studio – et du plan large, c’est le réalisme ferrarien s’effectuant par l’inscription documentaire – son New York on ne peut plus réel et issu des Mean Streets  scorsesiennes – et du gros plan), appelant l’implacable constat d’une accession au bonheur frauduleuse et viciée par avance, pourrie par les lois coercitives du profit et de la corruption, de l’individualisme et de l’argent.

The Addiction (c) D.R.
De l’auteur des Grandes Espérances à Kubrick et Ferrara, la même vitupération critique, parée cependant des attributs distanciant du conte (cf. la représentation scolaire et enfantine inspirée directement de Dickens qui ouvre programmatiquement R’x-mas) ou du cauchemar dans Eyes wide shut, envers les diverses formes de l’aliénation capitaliste, formes qui font comprendre l’infléchissement notable du rapport à la violence qu’entretient le cinéma ferrarien, violence pulsionnelle, frontale et découlant directement des corps de ses débuts jusqu’à The Addiction en 1996, moins palpable et plus insidieuse, découlant de structures abstraites et conceptuelles, mentales ou économiques-idéologiques depuis The Addiction, film en tout point charnière, et pas seulement parce qu’on y voyait les charniers de l’Holocauste.