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Vous avez un message (c) D.R. VOUS AVEZ UN MESSAGE
de Nora Ephron
Par Cécile GIRAUD


SYNOPSIS :
Correspondants du web, Joe et Kathleen deviennent intimes virtuellement, alors qu'ils ne se sont jamais rencontrés. Sur e-mail, ils s'aiment. Dans la réalité, ils se détestent. Car Kathleen, libraire indépendante, s'oppose à Joe, concurrent et propriétaire des "supermarchés du livre".

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PINCE-MI ET PINCE-MOI SONT DANS UN BATEAU

Vous avez un message est une comédie romantique à l’image du genre développé dans les années 1980 / 1990 : un film urbain. Qui dit urbanisme dit modernité, dit progrès. Le progrès semble être au cœur du film, il en est surtout le prétexte. Faisant mine de moderniser le film de Lubitsch The shop around the corner, Vous avez un message est surtout une variation des films mettant en scène Meg Ryan depuis l’excellent Quand Harry rencontre Sally : un homme et une femme radicalement différents s’unissent dans un amour sincère. Mais le film de Nora Ephron plonge ses protagonistes dans un contexte qui dénonce les limites du concept en faisant mine de s’en affranchir.

  Vous avez un message (c) D.R.
Meg Ryan est la charmante et sautillante propriétaire d’une librairie pour enfants, classique et chaleureuse. Tom Hanks est propriétaire d’une chaîne de librairies grands formats. Ces deux personnages sont à l’image de leur lieu respectif : Meg Ryan, naturelle, femme-enfant attendrissante semble s’opposer à un Tom Hanks engoncé dans son costume-cravate, gros en devenir, qui montre une vraie fausse décontraction lorsqu’il est en week-end. La poésie et la subtilité du film originel sont remplacés par des schémas, par un film qui oublie son contexte (le progrès n’est pas toujours bon). The shop around the corner (la boutique de Meg Ryan si bien nommée) est digne d’un décor studio du style Chantons sous la pluie : alors que derrière la façade, le lecteur doit trouver une épaisseur culturelle, un amour du genre humain, nous avons l’impression qu’en poussant la porte nous ne découvrirons qu’un mur, ou pire, du vide. Les couleurs trop franches tranchent avec le reste de la rue qui, elle, a vécu : la petite boutique qui a vu le jour depuis des décennies semble flambant neuve malgré ses airs désuets.

Meg Ryan s’adapte étonnamment à son environnement. Elle l’a prouvé dans de nombreux films, son corps émane de la ville : fin et droit, sautillant, elle est à l’image des buildings new-yorkais en occupant l’espace verticalement, presque jamais horizontalement. Seules les extrémités de son corps semblent être caoutchouteuses et lui donner vie. Son personnage adhère d’ailleurs dès le début à l’ère moderne et à sa technologie qui fera passer sa boutique de vie à trépas : si Meg Ryan tombe finalement amoureuse de son bourreau (qui n’a aucun scrupule à l’assassiner, quels que soient ses sentiments), c’est grâce à un media grandissant (et je l’en remercie, malgré ses perversités) : Internet. Alors que son compagnon premier, critique littéraire qui devrait être ouvert à la nouveauté, ne jure que par sa machine à écrire, Meg Ryan n’hésite pas à utiliser et faire fructifier ce qui pourrait mettre fin à l’édition sur papier (là est la perversion). Le film dès le départ ne témoigne d’aucune nostalgie pour le passé et ses qualités, allant inexorablement vers le moderne. Certains plans témoignent d’ailleurs de cette progression : illusion d’optique ou trafique visuel, le plan qui apparaît d’abord en noir et blanc évolue peu à peu vers la couleur, jusqu’à la disparition totale du noir et blanc. Ici est désignée l’impossibilité d’avoir conscience du passé, la volonté même de ne pas le conserver, ce qui est flagrant lorsque Meg Ryan se sépare sans regret de l’homme à la machine à écrire qui partageait sa vie. Meg Ryan est une fausse nostalgique. Elle peut alors tout à fait entrer dans la modernité et faire corps avec elle, c’est-à-dire avec Tom Hanks, moment ultime qui met un point final au film. Final, car on ne peut pas dire qu’ils s’aimèrent et firent beaucoup d’enfants qui lurent les livres de la grande librairie de papa… Ce serait avouer totalement que la modernité a gagné et que, après tout, ce n’est pas plus mal.