Evidemment, la petite
boutique et sa propriétaire se battent d’abord farouchement
contre le mastodonte moderne, lui crachant leur venin au visage,
mais le film reprend vite son approche anecdotique et individualiste
de l’histoire : c’est davantage contre un homme que contre
une institution en devenir que Meg Ryan se démène,
ne voulant sans doute pas avouer son attirance pour Tom Hanks
bien sûr, mais aussi pour la librairie moderne.
Après avoir fermé
définitivement la boutique, Meg Ryan visite son concurrent,
découvrant alors un lieu à l’image d’un parc
Disney : un paradis pour enfant. Chacun est libre de
toucher, de lire, de s’asseoir dans les allées au milieu
des livres pendant des heures. Tout semble disponible, tous
les désirs peuvent être assouvis. Dans ce monde
parfait, seul l’humain est défectueux. Là encore,
c’est la mémoire qui flanche : le jeune vendeur
ne connaît pas encore tous les auteurs pour enfants.
Meg Ryan devient alors l’espace d’un instant sa mémoire.
Ce personnage-mémoire qui perpétue un temps
les talents de sa mère oublie bien vite sa tâche.
Lorsque les problèmes matériels sont réglés
(la fermeture de la boutique), elle se laisse aller au charme
pervers de Tom Hanks, qui l’a pourtant poignardé dans
le dos, sans se poser de réelles questions éthiques
ou morales. Le combat qu’elle menait n’était peut-être
pas son combat, mais celui de sa mère qu’elle tentait
de ne pas trahir. Le véritable combat du personnage
est, nous le comprenons à la fin, de s’affranchir du
passé et d'admettre enfin qu’elle ne peut pas s’échapper
de l’air moderne que le film semble tout d’abord dénoncer
mais qu’il cautionne.
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Meg Ryan se laisse
encore une fois piéger par le rêve américain
(et le spectateur avec), symbolisé par le chien qui
accompagne Tom Hanks en permanence, symbole positif dans le
cinéma américain s’il en est, et garant du bon
fonctionnement du couple. Alors érigé en modèle,
le rêve américain dénonce son côté
factice : la relation par ordinateur interposé
des deux personnages ne peut pas se développer et s’harmoniser
tant qu’elle reste sur des bases immatérielles, tant
que le contact physique ne se fait pas. Ainsi, il reste peut-être
un espoir, puisque l’humain est essentiel à tout développement :
au développement de relations comme au bon développement
de l’industrie de Tom Hanks, qui ne sera parfaite que lorsque
les capacités humaines y seront intégrées.
Mais si l’industrie ne peut pas encore se passer de l’humain,
l’humain ne pourrait-il pas se passer de l’industrie ?
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2000 Le Bon numéro / Lucky
numbers avec John Travolta, Lisa Kudrow
1998 Vous avez un message
avec Tom Hanks, Meg Ryan
1996 Michael avec
William Hurt, Andie MacDowell
1994 Mixed Nuts avec
Steve Martin, Madeline Kahn
1992 Nuits blanches
a Seattle avec Meg Ryan, Tom Hanks
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